Céréales : la France veut « récupérer » le marché algérien

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Les importations algériennes de blé russe pourraient atteindre 2,5 millions de tonnes d'ici juin 2024

PAR NABIL MANSOURI

Avec une moyenne de consommation d’environ 11 millions de tonnes par an, l’Algérie figure parmi les plus gros importateurs de céréales dans le monde. Avant la décision de diversifier ses sources d’approvisionnement, notamment en se tournant vers la Russie, la France est restée pendant longtemps le premier fournisseur d’Algérie en céréales.

Depuis que l’Algérie a modifié son cahier des charges relatif à l’achat de blés en 2020, la France n’a pas manqué de manifester sa volonté de récupérer sa place de fournisseur majeur de l’Algérie en ce produit de large consommation. Cette volonté a été exprimée récemment par l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, lors d’une rencontre franco-algérienne sur les céréales, organisée en ce mois d’octobre à Alger, par l’interprofession française Inter-céréales.

Dans son allocution, le représentant de la diplomatie française a mis en avant « l’ambition de la France de redevenir un partenaire privilégié de l’Algérie ». Il a souligné à ce propos que « l’équipe du service économique de l’ambassade, Business France Algérie et tous les partenaires ont pour objectif de renforcer ce lien particulier en ces deux pays proches que sont la France et l’Algérie dans le secteur des céréales ».

Pour ce faire, cette rencontre était l’occasion de présenter la qualité de la récolte française de 2023, l’organisation de la filière semences en France, ainsi que la stabilité de sa production, qui contribue, selon les conférenciers de ce séminaire, « à l’équilibre des marchés mondiaux et à la sécurité alimentaire des pays importateurs ». Une manière de faire valoir la place qu’occupe la France par rapport aux marchés mondiaux des céréales, en tant que 1er producteur et exportateur de céréales en Europe, soit une « bonne raison » qui pourrait convaincre les autorités algériennes à se tourner vers l’ancien fournisseur « privilégié » de l’Algérie.

Le grand tournant de 2020

L’Algérie, qui achetait l’essentiel de son blé de France, avait pris, en 2020, un tournant décisif dans sa politique d’approvisionnement en céréales. Pour diversifier les sources de fournitures, les autorités du pays ont procédé à quelques modifications dans le cahier des charges pour l’achat de blé, permettant ainsi à l’office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) de réviser à la hausse le taux autorisé de grains punaisés, qui est passé de 0,5% à 1%.

Depuis, la France a exporté à l’Algérie moins de 1,2 million de tonnes à fin décembre 2021 (micampagne), contre 2 à 4 millions de tonnes en année normale à la même date. Mais ce changement a permis à l’Algérie d’accéder au marché russe des céréales, qui dispose d’un bon rapport qualité-prix lui permettant d’être compétitif comparativement aux concurrents européens, dont la France.

Ainsi, l’Algérie a presque quadruplé ses achats de blé russe en 2022, avec 1,3 million de tonnes, contre seulement 330.000 t en 2021. En 2023, l’union céréalière russe prévoit
une forte augmentation de ces exportations de blé vers l’Algérie, estimées jusqu’à 3,5 millions de tonnes.

Quid de la production nationale ?

Par ailleurs, il est à noter que l’Algérie ambitionne de réaliser son autosuffisance en produits agricoles, notamment en matière de céréales. Le secteur agricole a enregistré des performances durant la campagne 2022-2023 dans plusieurs filières, selon la déclaration de la politique générale du gouvernement 2023, présentée dernièrement devant l’APN par le premier ministre.

Le document fait état d’une production céréalière qui a atteint 30 millions de quintaux (3 millions de tonnes), soulignant qu’un rendement moyen de 50 à 60 q/ha a été enregistré dans les wilayas du Sud, avec des pics de 85 q/ha. Malgré une période de sécheresse, le document note que les 13% des superficies céréalières dans les wilayas du nord ont été sécurisés grâce à l’irrigation d’appoint. Toutefois, il est à noter que la production céréalière en Algérie est en baisse par rapport la précédente campagne (2021-2022) durant laquelle la production a dépassé 40 millions de quintaux (plus de 4 millions de tonnes).

Lors d’un conseil des ministres au mois de janvier dernier, le président de la République avait enjoint au gouvernement de redoubler d’effort en vue d’augmenter la production des récoltes agricoles, notamment le blé, et accroître le rendement. L’objectif étant de « réaliser, dans les plus brefs délais, l’autosuffisance en cette matière stratégique ».

N. M.