Face aux enjeux énergétiques. Sommet d’Alger : Les prémices d’un lobby du gaz

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Vers une hausse de la demande mondiale en énergie : Belles perspectives pour l'Algérie en 2024

PAR NABIL M.

Le gaz naturel n’a pas cessé de jouer un rôle majeur dans les économies des pays avec une durabilité qui réside dans son abondance, ses émissions réduites et sa polyvalence. Ce rôle crucial du gaz naturel comme source d’énergie propre et fiable se doit d’être « un message fort » que devrait envoyer le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du forum des pays exportateurs de gaz (Gecf), prévu à Alger du 29 février au 2 mars, a souligné l’analyste énergétique britannique Gaurav Sharma, relevant que le rôle de l’Algérie s’est renforcé ces dernières années sur le marché gazier international et devrait se consolider
davantage.

« La déclaration d’Alger qui sanctionnera les travaux du sommet devrait envoyer un
message fort sur le rôle crucial du gaz naturel en tant que source d’énergie propre et
fiable, tout en l’équilibrant avec les discussions plus larges sur la réduction des émissions de carbone en perspective de la COP29 prévue en Azerbaïdjan fin 2024 », a-t-il déclaré à l’APS. Comparé à d’autres sources d’énergie, le gaz naturel est une option durable qui offre
de nombreux avantages, tels que son important rôle dans les sources d’énergie renouvelables telles que le solaire et l’éolien. Même si ces sources renouvelables sont de plus en plus populaires, elles ne sont pas encore capables de répondre à tous les besoins énergétiques.

Le gaz, énergie de transition

Dans ce contexte, il est important de rappeler aussi que le gaz naturel peut servir de pont vers un avenir énergétique plus durable, en fournissant une énergie fiable tout en continuant à investir dans les technologies d’énergies renouvelables. Pour l’expert international en énergie Mourad Preure, le marché gazier entame une nouvelle phase, un tournant dans son histoire. Dans un entretien accordé à nos confrères d’El Watan, l’expert a expliqué que la place du gaz est désormais incontestée dans les équilibres énergétiques mondiaux dans une perspective de paradigme énergétique non carboné non fossile.

« Le gaz n’est plus considéré comme une « bridge energy », soit une énergie de transition le temps que les énergies vertes atteignent le niveau où ils équilibrent suffisamment le bilan énergétique mondial, mais comme une « destination energy », soit une énergie qui accompagnera et fera corps avec la transition énergétique, considérant qu’elle ne figure plus dans le problème, mais dans la solution pour corriger le défaut rédhibitoire des renouvelables, soit leur intermittence », a-t-il indiqué. Preure a également souligné que la
demande gazière est robuste et se maintient depuis dix ans à un rythme de croissance de
3% l’an. « Ce rythme semble voué à se maintenir, voire même à se renforcer », a-t-il
ajouté.

Par ailleurs, il faut aussi rappeler l’importance du gaz dans le développement de l’hydrogène, notamment dans son transport par pipelines sur de longues distances. L’hydrogène est mélangé à du gaz naturel et transporté dans le même pipeline et utilisé soit comme combustible dans le réseau électrique, soit séparé avant d’être utilisé comme hydrogène pur. Ce qui implique le rôle important du gaz dans la production et la commercialisation de cette énergie propre qui est l’hydrogène.

Un lobby contre le gaz, désarmé

Au cours de la COP28, qui s’est tenue à Dubaï en décembre 2023, l’union européenne n’a pas ménagé ses efforts pour que la finalité de cette rencontre se prononce en faveur de la suppression progressive des énergies fossiles, même si le résultat final est en deçà de ses espérances. Les Etats qui ont signé et ratifié la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), qui prévoit notamment que le monde doit engager une transition qui l’éloignera des énergies fossiles, ont estimé qu’il s’agissait du début de la fin des énergies fossiles, une conclusion qui nous semble un peu hâtive.

La réalité du marché des énergies fossiles prouve tout le contraire, du fait qu’en 2022 l’UE et ses pays membres ont parcouru le monde pour trouver des sources supplémentaires de pétrole et de gaz, suite à la décision prise au printemps 2022 de se passer complètement de toutes les énergies fossiles venant de Russie. De nombreux pays européens ont conclu des accords avec les Etats-Unis, l’Egypte, l’Azerbaïdjan, la Norvège, l’Algérie, le Nigeria, le Qatar, les Emirats, Oman et l’Australie, pour des approvisionnements en gaz. Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, on a assisté à une réorientation des flux énergétiques mondiaux avec beaucoup moins de pétrole et de gaz russes allant vers l’Europe et plus d’hydrocarbures pour l’Europe en provenance d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient et d’Afrique. Cette contradiction, même temporaire, affaiblit la position de
l’UE sur les enjeux climatiques et sa volonté de mettre fin aux énergies fossiles, dont le gaz.

Il est à rappeler dans ce contexte qu’en 2023, plusieurs sociétés pétrolières dont deux entreprises d’Etat chinoises, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et Sinopec, et trois firmes européennes, Shell, Total Energies et Eni, ont signé des accords avec Qatar Energy, la société nationale du Qatar, pour acheter du GNL sur une période de 27 ans. Les exportations de GNL débuteront en 2026-2027, ce qui signifie que le Qatar livrera du gaz à ces pays jusqu’en 2053 au moins. Selon l’expert international Mourad Preure, le GNL, qui représente maintenant 30% des échanges gaziers contre 20% pendant plusieurs décennies
auparavant, joue un rôle moteur. « Cette globalisation du marché gazier s’accompagnera d’un découplement entre prix du gaz et du pétrole. La part du GNL dans les échanges gaziers serait de 48% en 2040 et 59% en 2050 », a-t-il assuré. Il ajoute que les hydrocarbures sont objectivement une source d’énergie sans concurrent jusqu’à l’horizon
2050, où ils constitueront 50% du bilan énergétique mondial, avec une parité, sinon une dominance relative du gaz naturel.

Ainsi, le Gecf « est une force sur laquelle il faut compter », a assuré Gaurav Sharma, vu que ses pays membres détiennent plus de 70% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, et 60% des exportations de GNL, indiquant que la position de cette organisation « est sans égale » sur la scène internationale, même si elle constitue un espace de dialogue et de défense de l’industrie du gaz naturel et ne fixe pas les niveaux de production, contrairement à l’Opep.

N. M.