Ghani Kolli, président du CDCA : «L’Algérie doit passer d’un statut de demandeur d’aide à celui de leader régional»

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Le président du Conseil de développement Canada-Algérie(CDCA), Ghani Kolli, était au four et au moulin hier à l’occasion du 1er séminaire algéro-canadien sur «la lutte contre les feux de forêt par des moyens aériens». Profitant de la pause déjeuner, nous l’avons sollicité pour plus d’informations sur le thème du séminaire ainsi que ces objectifs, ce dernier, bien que débordé a bien accepté de nous accorder cet entretien.

Tout d’abord, êtes-vous satisfait du déroulement de ce séminaire et de ce qui a été fait jusque-là ?

Se satisfaire de ce qu’on fait est un peu compliqué car on est toujours exigeant envers soi-même. Notre satisfaction vient de l’intérêt que nos invités ont porté à cette thématique, mais aussi de la qualité des participants tant du côté algérien avec l’ensemble des institutions étatiques, le commandement des forces aériennes, la direction générale de la sûreté nationale, la direction générale des forets, celle de la protection civile et bien d’autres témoignent d’un intérêt par rapport à notre séminaire, que du côté canadien. En plus de la présence de Monsieur l’ambassadeur, on a été accompagné par une délégation de gens d’affaires extrêmement expérimentés dans ce domaine. Ceci témoigne aussi de leur intérêt pour l’Algérie comme partenaire potentiel. Lors de la seconde partie de cet événement, on est rentrés dans des éléments un peu plus techniques, ce qui a permis à l’ensemble des invités d’échanger et d’explorer les possibilités de collaboration, de partenariat.

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Le but de ce séminaire n’est pas uniquement d’assurer la présence, il s’agit surtout d’aider le ministère de l’Agriculture, le ministère de l’intérieur et l’ensemble des entités du gouvernement algérien qui sont concernées par la lutte contre les feux de forêt à y voir plus clair pour prendre les décisions qui s’imposent parce que nous avons l’impératif de se doter d’une stratégie en matière d’usage des moyens aériens dans la lutte contre les incendies.

En parlant des moyens aériens justement, est-ce que vous pensez qu’après ce séminaire, il y aura une acquisition de Canadairs ? Avez-vous plus d’informations à ce sujet ?

Ce que je peux vous affirmer pour l’heure, c’est que le gouvernement algérien favorise plus l’idée d’affréter ces avions vu le caractère urgent de la situation. C’est bientôt l’été, une saison où le risque augmente, donc dans un première temps, c’est l’option qui parait la plus logique. On suit ce dossier de près, on offrira toute notre collaboration, nos partenaires canadiens aussi, dans le cas où on aura besoin de conseils pour élaborer une stratégie aérienne afin de lutter contre les feux de forêts. On est à la disposition des autorités. En matière de potentiel par contre, il est clair que si on veut, je vais être réaliste, avoir une couverture aérienne minimale en 2024, il va falloir agir immédiatement.

C’est-à-dire…

Je n’en suis pas un, mais selon les experts, il faudra quatre à six avions au minimum pour espérer avoir des résultats probants en termes d’action sur le terrain. Moins que ça, ce ne sera pas totalement efficace. Plus que ça, ça devient une question de moyens. Donc, je pense que les recommandations que j’ai entendues jusque-là vont dans le sens de deux éléments. Un, ne pas penser que c’est seulement les Canadairs et les grands porteurs qui sont la solution parce qu’il faut savoir que ces avions seront appelés à se rendre vers la côte pour s’approvisionner alors que le temps est compté. Mixons ça avec les hélicoptères qui, eux, ont l’agilité de faire plusieurs va-et-vient mais aussi qu’on peut alimenter avec des points d’eau ou des barrages. Je n’ai pas de chiffres en tête, mais le temps qu’un grand avion fasse un aller-retour, eux pourront en faire une dizaine. Evidemment que ce n’est pas la même quantité mais ils peuvent offrir une solution. C’est ce qu’on appelle un mix puisqu’il y aura deux manières d’opérer.

Et c’est quoi le deuxième élément ?

C’est de faire un travail étroit en termes de collaboration des personnes au sol avec ceux qui seront dans les airs. Ceux qui seront dans les airs seront en support soit en télétransmission ou en commandement. On appelle ça une vue hélicoptère et elle peut être utile. Je crois que la reconnaissance aujourd’hui des autorités concernées de ce manque du volet aérien démontre le sérieux pour résoudre ce problème. L’identifier, c’est à moitié le résoudre. Maintenant en fonction des moyens et des décisions prises, nous sommes disponibles pour la partie conseil, la partie formation et pourquoi pas la partie fourniture.

Les Canadairs seront-ils canadiens ou y a t-il une possibilité pour qu’ils soient de provenance européenne ?

Moi, je préside une association algéro-canadienne. Il est clair que les intérêts que je défends sont ceux des relations algéro-canadiennes. Nous avons d’ailleurs même un invité américain qui est parmi nous lors de ce séminaire. Je l’ai mentionné tout à l’heure dans le point de presse, nous croyons que le couple canado-américain a un avantage concurrentiel en termes de technologie, d’accompagnement et d’expertise. L’Algérie est un Etat souverain, il peut faire affaire avec qui il veut. Maintenant dans le choix des partenaires stratégiques, je n’ai pas de leçons à donner. Je remarque toutefois qu’en termes de posture d’affaire et en termes de transfert de compétences réelles, les pays ne se valent pas. C’est une chose de tenir la technologie, peut-être à bon marché, et une autre chose d’avoir toute l’expertise de la chaine de valeur pour pouvoir transférer réellement la compétence et non pas laisser l’Algérie dépendante de ses fournisseurs. Je crois que le choix est évident. Soit on va vers des partenaires stratégiques, c’est ce que nous souhaitons, soit on fait d’autres choix et on les assume surtout qu’ils peuvent avoir des répercussions sur les prochaines compagnes de lutte contre les feux de forêt.

Une dernière question, est-ce que la formation suit ?

La formation est indispensable. J’ai moi-même interrogé M. Jeff Berry, qui malheureusement pour ceux qui ne maitrise pas cette langue, a fait sa conférence en anglais, sur la manière d’accompagner les autorités algériennes. Il a été clair en disant qu’il faut avoir une vision à long terme. Ce n’est pas des décisions à investissements à court terme car ça n’existe pas de faire un projet pilote en une année. Ça n’a aucun sens. De deux, la formation prend du temps. On a évoqué un vingt-deux mois pour former un pilote et on évoque un coût moyen de 70.000 dollars pour la formation initiale. Ensuite, 40.000 dollars de frais récurrents. Vous n’allez pas investir tout cet argent et tout ce temps pour faire un projet pilote. Le CDCA appelle ni plus ni moins à bâtir une plateforme aéronautique de montage si ce n’est de fabrication des Canadairs en Algérie. Notre ultime souhait est de passer d’un statut de demandeur d’aide à un statut de leader régional en matière de lutte contre les feux de forêt par les moyens aériens. Vu les changements climatiques, on est condamnés à revivre ces épisodes de chaleur intense et par conséquent de feux, qu’ils soient volontaires ou involontaires. La question ne sera pas est-ce qu’il y aura d’autres feux, mais plutôt comment on va réagir pour la prévenir et éventuellement intervenir en temps voulu.

O.B