Hasna El-Bécharia : Quand le diwan se conjugue au féminin

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Qu’elle accompagne sa voix au guembri ou à la guitare électrique, Hasna est l’une des figures incontournables de la chanson algérienne.

PAR DELLOULA MORSLI

Musicienne libre et sans concession, elle puise dans le diwan ancestral pour créer une musique hors du temps, quelque part entre les airs gnawis traditionnels et le rock’n’roll. Née en 1950 à Béchar, Hasna est une pionnière de la musique diwan. Elle mêle le sacré et le profane, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a plusieurs cordes à son arc, car elle joue de la guitare électrique, du luth, de l’harmonica et du banjo, mais son instrument fétiche est incontestablement le guembri.

Fille d’un des maîtres du diwan (mâalem), Hasna a appris le jeu du guembri en observant son père. Elle confiera à ce sujet : « Mon père m’interdisait de toucher son guembri, il m’était totalement interdit de m’en approcher. Pour lui, le guembri est une affaire d’hommes. » Bien que son père le lui ait défendu, elle continue à s’entraîner en cachette jusqu’à maîtriser l’instrument à l’âge de quinze ans. Aux débuts des années 1970, Hasna, épaulée par des amies, animait des fêtes de mariage dans son oasis natale. Là encore, on ne lui a pas facilité la tâche: « Il n’y avait pas d’hommes dans les mariages, ce n’était pas mixte, et pourtant, on nous jetait des pierres. On ne faisait rien de mal et on était entre
femmes. » En 1999, elle est invitée par Mohamed Ali Allalou à se produire au Cabaret Sauvage, à Paris, dans le cadre du festival Femmes d’Algérie.

Ce passage signe le début de sa carrière professionnelle. En 2002, elle sort l’album « Djazaïr Djohara » (l’Algérie cette perle), qui lui apporte la consécration. Le public algérien découvre alors une diva au fort caractère. Depuis, la musique de Hasna voyage à travers le monde. Elle a résonné sur le territoire national, en France, au Maroc, au Portugal, au Canada et en Egypte. En 2022, la réalisatrice Sara Nacer lui consacre un documentaire, « La Rockeuse du désert », primé au festival Vues d’Afrique à Montréal. Quand Hasna monte sur scène, elle le fait pieds nus, par respect à l’art qu’elle pratique. Celle qui entre en transe avant son public continue d’inventer des sonorités qui transcendent les frontières.

D. M.