Le marché financier entame sa mue

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PAR R. AKLI

En manque d’efficience quant à la collecte de l’épargne et au financement de l’investissement, la place financière domestique entreprend désormais d’opérer sa mue aux fins de se mettre au diapason des mutations que connaît actuellement l’économie nationale en vue de l’instauration d’un nouveau modèle de croissance moins tributaire des ressources financières publiques. Résolus à faire de 2024 une année charnière pour une réorganisation
en profondeur du système bancaire et financier national, les pouvoirs publics ont ainsi initié une démarche de réforme de grande envergure ciblant à la fois une réelle transformation des modes de gouvernance et de management des banques de la place et une redynamisation du marché boursier local pour améliorer son apport au financement de l’économie nationale. Pour donner le ton, l’Etat a décidé de mettre en vente près d’un tiers du capital social de deux de ses six grandes institutions bancaires, tout en envisageant d’ores et déjà d’autres opérations similaires une fois menées à bien ces deux premières expériences, inédites au sein du paysage financier algérien.

A travers l’ouverture du capital social du CPA à la participation privée dès aujourd’hui, puis celui de la BDL au cours de ce semestre, les pouvoirs publics ciblent un double objectif, à savoir une reconfiguration du management des banques publiques pour les soumettre à
de nouvelles exigences de performance et de commercialité et la relance du marché boursier pour en faire un outil efficace de canalisation des fonds circulant hors banques. Du côté du secteur bancaire public qui assure jusqu’ici l’essentiel du financement de l’économie nationale, il est attendu surtout que l’arrivée de nouveaux actionnaires privés disposant de droits de vote et de représentation aux conseils d’administration des banques serve réellement de déclic pour en finir avec les modes de gestion administrative et instaurer de nouveaux usages managériaux, axés sur la performance, l’obligation de résultats, la mise à niveau des prestations bancaires et la transparence et l’efficacité dans l’allocation des crédits.

Le rôle du privé

Du côté de la bourse des valeurs mobilières, restée plusieurs années en mal d’animation au vu du nombre dérisoire d’entreprises cotées, l’Etat entend donner l’exemple en y introduisant ses propres entités, qui plus est de grandes institutions bancaires, afin de susciter la confiance des investisseurs privés et de les inciter à sortir à leur tour des modes de gestion et de financement traditionnels. Dépendant à plus de 80% des ressources bancaires publiques, comme le faisait observer à maintes reprises le président la République, le privé national est plus que jamais appelé à tenir un rôle de locomotive dans l’édification d’un nouveau modèle économique moins assujetti aux aléas de la rente du
pétrole et du gaz. Aussi, les entreprises privées sont autant appelées à faire leur mue en changeant leur mode de gestion souvent familial et en s’ouvrant davantage aux usages boursiers modernes en vue de diversifier leurs sources de financement et d’accroître ainsi leurs capacités d’investissement.

En décidant d’ouvrir le capital de ses banques par le biais du marché financier, l’Etat, nous explique le DG de la bourse, Yazid Benmouhoub, entend surtout montrer la voie, « mais il faut l’implication des entreprises privées pour donner de l’appétence aux épargnants », l’enjeu, a-t-il plaidé, étant « d’accélérer l’inclusion financière et d’attirer l’argent thésaurisé » vers les circuits formels. Selon notre interlocuteur, beaucoup d’efforts sont actuellement entrepris afin d’accélérer la modernisation de la place boursière locale et de faciliter au mieux l’arrivée de nouvelles entreprises à la cote officielle. Il citera en ce sens la mise à niveau des dispositifs réglementaires régissant la bourse d’Alger afin d’assouplir les
conditions d’admission et d’y attirer un plus grand nombre d’entreprises, la création prochaine d’un nouveau compartiment boursier destiné aux startups, ainsi que la mise en place très prochainement d’un nouveau système d’information digitale.

« Nous sommes actuellement en phase de tests pour la concrétisation de ce système qui permettra à terme d’avoir des cotations en continu et en ligne et d’ériger ainsi une place boursière digitalisée et virtuelle comme partout dans le monde, ce qui encouragera davantage les entreprises à venir », a assuré le DG de la bourse d’Alger.

R. A.