Mekidèche : «Le choix de la Chine est bien ciblé»

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Mekidèche : «Le choix de la Chine est bien ciblé»

ENTRETIEN RÉALISÉE PAR NABIL M.

Économiste, ex-vice-président du CNES et ex-président du panel du MAEP (agence de gouvernance de l’union africaine), Mustapha Mekidèche revient dans cet entretien sur l’importance du partenariat chinois dans le développement des grands projets économiques et structurants de l’Algérie.

Que peut apporter la Chine à l’Algérie en matière d’investissements et de partenariat dans les grands projets structurants ?

Le choix de la Chine dans les grands projets structurants, industriels et miniers, est bien ciblé. La Chine a une grande expérience dans les grands projets d’infrastructures. Ce qui explique le grand projet du port d’El-Hamdania, qui constitue pour l’Algérie un investissement important et structurant qui va compléter les infrastructures existantes.

Je pense au port de Djen Djen, à la transsaharienne et d’autres projets qui vont permettre un circuit plus fluide vers les marchés, non seulement subsahariens, mais aussi européens.

Deuxième grand projet, celui de Gara Djebilet, un vieux projet qui a beaucoup attendu sa
mise en œuvre et qui nécessite des partenaires qui sont habitués à ce type de mégaprojets. La Chine est donc en mesure de trouver les meilleures solutions pour sa
réalisation et également la mise en place des infrastructures d’accompagnement pour mettre en production un mégaprojet de ce type. Troisième grand projet, celui des engrais phosphatés, renvoyé depuis les années 80 et qui aujourd’hui voit le jour avec un partenaire de premier plan, qui est la Chine.

Ceci sans parler d’autres partenariats avec la Chine, notamment l’autoroute Est-Ouest, les projets de construction sur lesquels la Chine nous a accompagnés depuis déjà une décennie. Il faut voir la Chine non seulement comme un partenaire et un grand marché, mais également comme un porteur de technologie, qui est du même niveau, voire des fois qui dépasse celle des autres pôles de développement technologique que sont l’Europe et les USA.

En matière d’industrie, notamment automobile, la Chine sera-t-elle d’accord pour implanter ses usines en Algérie ?

Je pense que l’ampleur du marché chinois est telle que s’élargir à l’Algérie, où la coproduction et l’intégration peuvent être importantes, arrangerait bien les affaires de la Chine. Ça les aiderait à avoir un accès aux autres marchés, même sur un secteur concurrentiel comme l’automobile. Vous savez que la Chine va être le pays qui va
produire le plus de voitures électriques dans le monde, bien avant l’Europe et les
USA.

Je pense que sur le plan industriel, il peut y avoir une coopération dans ce domaine gagnant-gagnant, notamment du fait que l’Algérie est un pays sûr en matière de remboursement des crédits, par rapport aux autres pays d’Afrique, chose que les
Chinois savent.

C’est pour ça que le ministre des finances a accompagné le président de la République dans son voyage à Pékin, pour voir quels sont les instruments financiers qui peuvent être mis en place pour les crédits bancaires. De ce point de vue, je pense que la Chine dispose de la
capacité financière qui peut nous permettre d’avoir des crédits sur des délais de remboursement plus allongés.

Qu’en est-il pour le transfert technologique ? La Chine est-elle prête à fournir son savoir faire à l’Algérie ?

S’agissant du transfert technologique, je doute que la langue soit un obstacle, à voir les expériences faites à ce jour par Sonatrach et ses partenaires chinois, ainsi qu’Algérie Télécom et son partenaire Huawei. Donc l’Algérie pourrait demander, notamment avec cette visite d’Etat en Chine, un engagement plus important dans les transferts de technologie. Il faut savoir que la technologie chinoise est en évolution constante, et elle est au niveau de celle utilisée à travers le monde.

La Chine peut même dispenser des formations aux Algériens dans ses universités, qui sont parmi les plus importantes et les meilleures au monde. Donc il n’y a pas de raison pour que le transfert ne se fasse pas, notamment quand il s’agit d’un accord stratégique entre
les deux pays, sachant que l’Algérie constitue un pays pivot pour la Chine, du fait que
le premier accord signé par la Chine avec un pays arabe a été avec l’Algérie.

En étant un grand pays d’exportation, la Chine pourra-t-elle favoriser l’investissement dans notre pays au détriment du commerce ?

Dans ce cas de figure, c’est à nous de poser les règles de nos échanges. La Chine est bien placée pour être passée par là, car avant de devenir un pays industrialisé et technologiquement avancé, elle était un pays émergent. Ce qui fait qu’elle comprend la position de l’Algérie de vouloir s’intégrer et ne plus rester dans le champ des échanges commerciaux et aller vers une coproduction et ensuite la production.

C’est la vision de l’Algérie, car on sort d’une économie rentière vers une autre productive. On est passés de 2 milliards de dollars maximum d’exportation hors hydrocarbures à 7 puis à 13 milliards, donc on a une vocation à développer nos filières industrielles, mais également à substituer aux importations un certain nombre de produits. Pour cela, nos partenaires doivent accepter cette politique économique qui est un principe pour l’Algérie sur laquelle elle ne va pas transiger.

Qu’est-ce qui pourrait gêner les investissements chinois aujourd’hui en Algérie ? Le climat des affaires est-il favorable ?

Les Chinois ont une expérience internationale beaucoup plus importante que nous. Ils ont des entreprises cotées sur les marchés boursiers, ils ont des pratiques internationales importantes, avec des grandes marques connues et installées de par le monde. Donc ils ont de l’expertise dans les relations avec des pays qui sont émergents, soit en Afrique ou ailleurs. Il faut faire en sorte que nos managers et nos entreprises puissent aller vers des contrats de coproduction, notamment avec le nouveau code des investissements qui a introduit des éléments de flexibilité qui vont permettre d’améliorer le climat des affaires.

Ainsi, les relations marchandes avec nos partenaires chinois sont soutenues par une vision commune de coopération gagnant-gagnant. Avec la visite du chef de l’Etat en Chine, cette relation sera consolidée, en plus qu’elle constitue un grand signal pour la communauté des affaires des deux pays pour élargir le champ de coopération dans différents domaines.

N. M