Mohamed Boudia, de l’Algérie à la Palestine, une vie de lutte

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PAR DELLOULA MORSLI

Grande figure du théâtre national, combattant de la guerre de libération algérienne et martyr de la cause palestinienne, Mohamed Boudia a partagé sa vie entre une passion insatiable pour le quatrième art et une résistance acharnée contre le colonialisme et les puissances de domination. Dès l’âge de 17 ans, Mohamed Boudia, né en 1932 à la Casbah d’Alger, s’est découvert une passion pour le théâtre au sein des scouts musulmans. En 1950, il effectue son service militaire à Dijon. Démobilisé en 1952, il s’implique avec différentes troupes théâtrales en Bourgogne, puis à Paris, où il multiplie les contacts avec des groupes nationalistes basés en France.

La guerre de libération nationale

En 1954, il devient membre de la fédération du Front de libération nationale de France où il a participé à plusieurs opérations en tant que fidaï. Le 25 août 1958, il fut l’artisan de l’opération Mourepiane, une action menée contre le dépôt d’hydrocarbures de Mourepiane à côté de Marseille qui a provoqué un gigantesque incendie. En représailles, les services de sécurité français ont procédé à son arrestation. Il est condamné à 20 ans de prison.

A la fin de l’été 1961, il s’échappe de la prison d’Angers grâce à l’aide du mouvement français de lutte contre le colonialisme. Pour Boudia, l’activisme politique qui vise à avoir le plus d’impact est souvent celui qui implique un engagement direct dans la lutte. Il rejoint alors, à Tunis, l’équipe théâtrale du FLN dirigée par Mustapha Kateb et en devient l’administrateur.

L’homme de théâtre

À Paris, en 1955, il met sur pied une compagnie théâtrale et rédige à son intention plusieurs œuvres dramatiques, demeurées pour l’essentiel inédites. Incarcéré à la prison de Fresnes (au sud de Paris) en compagnie d’Étienne Bolo, philosophe et auteur qui a œuvré pour l’indépendance de l’Algérie, il met à profit son séjour en prison pour écrire ses deux pièces majeures, « Naissances » et « L’olivier ».

En parallèle, il s’attelle à l’adaptation de textes du théâtre classique français, notamment les comédies de Molière. A l’indépendance, il retourne en Algérie pour organiser et diriger le théâtre national algérien (TNA) entre 1963 et 1965. Il est également à l’origine, avec le poète et romancier Mourad Bourboune, de la publication de deux organes de presse, la revue culturelle « Novembre » en 1963 et le quotidien « Alger ce soir » en 1964.

La cause palestinienne

Après avoir combattu pour l’indépendance de son pays, Mohamed Boudia se consacre à la cause palestinienne, devenant un membre actif du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Inspiré par sa rencontre avec Wadie Haddad à Cuba, il a mis son expérience de résistant au service du peuple palestinien. Formé à l’université Patrice-Lumumba de Moscou, il a participé à des actions armées et a gravi les échelons du FPLP en France.

De trésorier à chef de l’organisation spéciale, il joue un rôle crucial dans le recrutement de militants et l’organisation d’opérations contre des cibles israéliennes en Europe. Mis en tête d’une liste de personnes à abattre par les services secrets sionistes, notamment après la prise d’otages de la délégation israélienne lors des jeux olympiques de Munich en 1972, Boudia fût assassiné par le Mossad dans un attentat à la voiture piégée en 1973 au Quartier latin à Paris.

Ses funérailles ont été organisées en toute discrétion à Alger. Plusieurs hommages lui sont rendus depuis quelques années afin de réhabiliter ce personnage hors du commun, dont la vie et le parcours culturel et militant restent inconnus auprès de beaucoup d’Algériens.

D. M.