Ouverture du transport maritime et aérien au privé : les défis à relever

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PAR MASSINISSA M.

LA REVITALISATION des secteurs du transport maritime et aérien est une priorité pour les pouvoirs publics. Bien que ces secteurs aient été ouverts aux investisseurs privés en 2020, leur développement n’a pas été significatif. Pour aborder cette problématique, les experts, Abdelkrim Ghazal, ancien Directeur général de la marine marchande, Omar Menouar de la société Translog, spécialisée dans les services de transport et de logistique, ainsi que Chakib Belleili, ancien PDG d’Air Algérie et actuel patron d’Air Express, se sont mis autour d’une table afin de dresser un état des lieux et d’identifier les obstacles à surmonter, notamment en matière de réformes.

Intervenant sur les ondes de la radio chaîne 3 jeudi, les trois experts ont commencé par faire le point sur ce qui a été fait jusqu’ici. M. Ghazal a été le premier à s’exprimer en mettant en avant l’importance du transport maritime dans le commerce mondial, pour dire que celui-ci représentait 90% des échanges. « En Algérie, nos échanges extérieurs s’effectuent majoritairement par voie maritime, atteignant 95% », a-t-il indiqué, notant que malgré la construction – entreprise par la CNAN – d’un des plus grands pavillons méditerranéens, le développement du secteur en Algérie a été freiné par son coût élevé, nécessitant d’importants investissements.

C’est dans cette optique que l’Etat a envisagé, à partir de 1998, l’ouverture de ce secteur, motivée par la nécessité de moderniser la flotte pour faire face aux avancées technologiques, ce qui a ultérieurement conduit à l’adoption du Code maritime, mettant fin au monopole dans ce domaine. Interrogé sur les motivations des pouvoirs publics à encourager les investisseurs privés dans ces secteurs, M. Ghazal a souligné l’importance de réduire la dépendance aux opérateurs étrangers. De son côté, M. Menouar a mis l’accent sur l’importance de la sécurisation des marchandises et du taux de fret, pointant du doigt les coûts élevés et les délais prolongés dans les ports algériens. Pour étayer son propos, il a comparé les prix appliqués aux Shortsea (transport de marchandises par voie maritime sur de courtes distances), en Algérie et en Tunisie pour arriver à la conclusion qu’ils coûtaient au moins deux fois plus cher en Algérie. « Les navires marchands restaient en moyenne deux à trois jours dans les ports algériens, alors que la norme ailleurs est de sept heures », a-t-il déploré.

Qui peut investir dans ces secteurs ?

A cette question, M. Ghazal a rappelé qu’avec la levée du gel sur le secteur du transport aérien et maritime en 2018, de nombreux opérateurs avaient exprimé leur intérêt, précisant que le décret exécutif 08- 57 du 24 février 2008 stipule que « toute personne morale ou physique pouvait soumettre une demande de concession en fournissant un dossier administratif accompagné d’une étude technico-économique définissant les lignes à desservir, les capacités financières, l’équipage et le type de navire que l’investisseur souhaitait acquérir ». Une fois l’accord de principe accordé, l’investisseur peut entamer la phase de concrétisation de son projet, et c’est là qu’il se heurte aux problèmes. Dans son propos, il a expliqué que malgré le fait que l’investisseur disposait de la possibilité de présenter un contrat de leasing, un contrat d’affrètement, ou d’acquérir un navire en pleine propriété, la concrétisation du projet restait incertaine. « Le coût d’un petit navire de 2000 tonnes s’élève à environ 20 millions de dollars. Un prix qui peut rapidement augmenter jusqu’à atteindre 800 millions de dollars pour un navire de croisière de dernière génération ».

Pour M. Ghazal, cette réalité constituait un véritable obstacle à l’investissement, étant donné que les banques manifestaient une réticence à accorder des prêts. C’est pourquoi cette question a été largement débattue lors d’une réunion la semaine dernière, regroupant le ministre des Transports, Habib Zahana, des cadres de son département, plusieurs investisseurs, ainsi que des représentants des organismes de financement et des experts du domaine, a-t-il précisé.

Révision du code maritime

En apportant un éclairage sur cette question, M. Menouar a expliqué qu’il existait néanmoins une solution relativement simple pour résoudre ce problème. Selon lui, il suffirait de recourir à l’affrètement à condition de lever l’obligation d’être un armateur pour en bénéficier. Dans ce sens, il a soulevé la question de savoir pourquoi les autorités publiques n’autorisaient pas le NVOCC, qui est un intermédiaire du transport maritime agissant comme un armateur, mais ne possédant pas de navire propre, mais louait des espaces sur d’autres navires. Rebondissant sur cette question, M. Ghazal a souligné l’impératif de réviser le Code maritime et mettre en place les textes d’application régissant l’affrètement.

De son côté, M. Belleili a estimé que les investisseurs privés qui opteront pour le transport aérien choisiront forcément le moyen-courrier, avec des vols ne dépassant pas cinq ou six heures, ce qui, selon lui, contribuera à alléger la pression sur Air Algérie et lui permettra de se réorienter vers d’autres lignes. Quant au transport aérien de marchandises, il a été noté qu’au cours de l’année écoulée, Air Algérie a acheminé 21 000 tonnes de marchandises, une quantité marginale. Cependant, il a été mentionné que la compagnie nationale a lancé un programme d’acquisition d’avions cargo d’ici 2028, notamment en transformant des avions initialement destinés au transport de passagers.

Un domaine d’investissement porteur ?

Pour répondre à cette question, les intervenants ont convenu que le domaine d’investissement en question est rentable à long terme, et que cette rentabilité dépend largement de la qualité de gestion, ainsi que de celle du personnel embarqué. De plus, il
est souligné que la capacité à capter un marché doit être proportionnelle aux capacités
réelles, qui seront malgré tout bien inférieures à celles des grandes compagnies mondiales.

M. M.