«Rihet Zman», «Dakhla», «Meriou»… Chez Ath’at, des meubles pas comme les autres

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PAR LATIFA ABADA

Concevoir du mobilier du point de vue de l’utilisation pratique, sans négliger l’aspect esthétique. Faire en sorte qu’il suscite une émotion dès que les pupilles le frôlent.
C’est tout le challenge du mobilier fonctionnel. Chez Ath’at, sis Cheraga, chaque objet
est né d’une réflexion. On questionne la forme, la matière et l’espace, pour créer un
mobilier singulier qui répond aux besoins d’utilisation.

En franchissant le seuil de la boutique Ath’at, c’est d’abord le beau qui nous interpelle. Le visiteur découvre un mobilier aux formes gracieuses, aux lignes rigoureuses, embellies de couleurs audacieuses. Le mobilier est sobre, sans excès de fioritures. Ici on explore le champ du possible, mais l’authenticité reste le maître mot. Et pour preuve, les veines et nœuds du bois, ornement naturel, sont mis en valeur.

« Pour la fabrication de notre mobilier, nous utilisons du chêne et du frêne. Nous ne
mettons pas de la couleur sur du bois noble. On laisse souvent le veinage, car c’est l’âme
du bois. Là où c’est coloré ce sont des panneaux de bois MDF », précise Hind Cadi, la
maîtresse des lieux.

« Rihet zman » odeur du passé, « Dakhla » entrée, « Meriou » placard, ce sont les noms joliment attribués aux meubles de la marque Ath’at. L’idée est de convoquer l’imaginaire à travers ces appellations mais pas seulement. Certains détails rappellent les meubles des anciennes maisons algériennes.

« Notre mobilier a un côté ancien, car nous utilisons du bois massif qui reflète un ancrage identitaire, et un côté moderne qui se manifeste dans les formes et les couleurs. Nous avons simplifié l’effort pour que ça ne soit pas chargé. On a fait le choix de ramener des couleurs pour donner un coup de jeunesse au mobilier », explique Hind sommairement.

Déambuler dans cet espace aménagé tel un intérieur de maison fait parfois jaillir des
images du passé. Un meuble en frêne massif occupe un coin de la boutique. Baptisé
« Dakhla », entrée, il fait penser à ces meubles où étaient posés les téléphones fixes dans
les maisons autrefois. Hind, la propriétaire des lieux, le confirme, elle précise néanmoins qu’il peut trouver sa place à l’entrée de la maison ou ailleurs.

Le savoir-faire algérien

« En rentrant à la maison, la personne s’assoit sur le petit fauteuil pour enlever ses
chaussures et les ranger au-dessous du meuble. Les tiroirs font office de rangement
pour les clés et autres objets. Ce meuble peut parfaitement être un coin de lecture. Tout
l’intérêt de faire du mobilier fonctionnel est d’avoir la liberté de se l’approprier comme il
nous convient », précise-t-elle.

Des objets décoratifs sont soigneusement posés sur les différents meubles. En céramique, bois, tissus ou encore en osier, ils représentent la diversité de l’artisanat algérien. L’équipe de Ath’at contribue à la valorisation des savoir-faire dont se targue chaque région d’Algérie.

« Les tapis que vous voyez sont en pure laine et sont fabriqués à Ghardaïa. Ils sont
conçus par des tisserandes selon les techniques anciennes. Nous tenons à ce que
chaque objet décoratif soit représentatif de notre riche patrimoine », souligne Hind.

De l’extérieur, une grande vitrine met en évidence l’univers Ath’at. Certains passants
admirent timidement sans oser franchir le pas. Quand elle les repère, Hind les convient à entrer.

« Nous voulons que Ath’at soit plus qu’un lieu commercial. Il raconte d’une part l’histoire d’une entreprise algérienne. Il informe sur l’importance d’avoir un mobilier au service du confort de son utilisateur. Tout le monde est le bienvenu chez nous. Nous aimons échanger avec les gens qui visitent la boutique. Leurs avis est important », dit-elle.

Aux origines d’Ath’at

Hind et son époux Ali Cadi sont ingénieurs de formation. « C’est un peu le hasard de la vie qui nous a mis sur cette voix-là », confie-t-elle.

L’entreprise qui est aujourd’hui spécialisée dans la fabrication de mobilier était à la base agence de création graphique, Trames, créée en 1996. Ils se sont vu peu à peu changer d’orientation, et aller vers l’aménagement d’espace et ensuite la fabrication de mobilier.

« Avec l’avènement des foires et expositions dans les années 2000, beaucoup de nos clients nous demandaient de leur faire des stands personnalisés pour prendre part aux différents salons professionnels organisés en Algérie », souligne-t-elle.

A partir des années 2000, l’aménagement d’espace personnalisé de boutique, restaurant, entreprise, commençait à devenir tendance. En même temps, le domaine de la communication se développait de manière exponentielle en Algérie. Le marché de la communication était investi de nouveaux acteurs.

« On s’est donc tourné vers ce domaine naturellement, puisque la demande était là
et on aimait beaucoup faire ça aussi. Nous nous sommes réellement installés dans
l’activité de l’aménagement d’espace à partir de 2010. On s’occupait de toute la chaîne
de réalisation d’un projet d’aménagement », se souvient Hind.

Quelques années plus tard, l’ambition de Hind et Ali est de se lancer dans l’immobilier
domestique. Cette nouvelle aventure les passionne mais ils ne se précipitent pas pour autant.

« Nous avons participé en 2018 au premier salon du mobilier. On voulait voir s’il y
a eu un engouement. On a conçu des prototypes, des meubles de télévision, des tables
et bahuts. Et on a été agréablement surpris par le retour très positif des personnes qui
visitaient notre stand. Cela nous a confortés dans notre choix d’aller vers le mobilier
domestique. »

Pour concrétiser ce projet, il le propose à une nouvelle partenaire, Karima
Belkheir. Issue d’un parcours entrepreneurial riche dans la communication, le sport, puis la restauration, Karima Belkheir est conquise par le projet. En 2022, l’aventure Ath’at commence.

Les défis du designer

C’est beau mais ça ne suffit pas. Chaque création de la marque Ath’at ne se contente
pas de séduire par son design mais remplit une fonction. Hind persiste et signe :
« Chaque objet doit répondre aux exigences de confort. »

« On part de l’idée d’un meuble. On le dessine et ensuite on réfléchit à la matière de le fabriquer. Il n’y a pas un plan de travail prédéfini. Chaque objet sera conçu selon certaines techniques élaborées spécifiquement pour l’objet en question. Si la matière utilisée change, le mode de conception change aussi », explique Hind.

A l’entrée de la boutique, Hind nous montre des prototypes conçus par les étudiants de l’école des beaux-arts, réalisés dans le cadre d’un stage chez Ath’at. Elle explique justement cette différence entre dessiner et réaliser.

« Les stagiaires devaient dessiner un meuble, choisir les matériaux et le réaliser. Pour ce meuble d’entrée, l’étudiant voulait des pieds lents et fins, une fois terminé le meuble bougeait. Il devra donc reprendre la conception et choisir de faire des pieds plus larges ou rajouter une fixation métallique. Esthétiquement il est parfait mais ne tient pas debout, donc il ne remplit pas sa fonction », informe Hind.

La visite de la boutique se termine devant l’enseigne Ath’at. On comprend le sens, mais l’orthographe est atypique ! Hind nous explique ; le « Ath » en amazigh signifie « Ibn » c’est-à-dire fils. Le « At » après l’apostrophe sont les initiales de « Atelier Trames » l’entreprise qui crée le mobilier. Ath’at c’est un mot arabe qui design meuble écrit en lettre latine. Un mélange à l’image de notre culture.

L. A.