Algérie – Espagne : ce qu’attendent les entreprises espagnoles

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PAR ZINE HADDADI

Alors que les indices en faveur du dégel des relations commerciales entre l’Algérie et l’Espagne se sont multipliés ces derniers mois, les entreprises espagnoles présentes sur le marché algérien espèrent un retour rapide à la normale. Entre l’Algérie et l’Espagne, l’alignement de Madrid, annoncé par le palais royal marocain, sur le plan d’autonomie proposé par le Maroc pour le règlement du conflit du Sahara occidental, a déclenché une crise diplomatique en mars 2022 qui a été suivie par la suspension des échanges commerciaux en juin de la même année. Le gel des relations commerciales entre les deux
pays a provoqué des pertes colossales pour des centaines d’entreprises espagnoles, notamment dans le domaine de la céramique. Pour prendre une idée de l’ampleur, la région de Castellón connue pour son industrie de la céramique et dont le principal marché est l’Algérie a vu ses exportations chuter de manière considérable. La région a été fortement impactée par la crise algéro-espagnole.

Les opérateurs dans la filière ont longtemps pressé le gouvernement espagnol pour qu’il
revienne sur sa position en faveur du plan d’autonomie marocain exprimée en mars 2022 via une lettre dont le contenu avait été dévoilé par Rabat. Le secrétaire général de l’ANFFECC, association regroupant les industriels de céramique, Manuel Breva avait alerté dès décembre 2022 dans des déclarations au quotidien El Mundo les autorités espagnoles sur « l’urgence de résoudre le conflit diplomatique avec l’Algérie ». À cause de son revirement aux lourdes conséquences, Pedro Sanchez avait essuyé de dures critiques de la part de l’opposition du parti populaire (droite) mais aussi de la part de l’aile dure de la gauche espagnole, attachée à l’autodétermination du peuple sahraoui, pourtant son allié au gouvernement. Le leader de la droite espagnole Alberto Núñez Feijóo avait exprimé ses regrets de voir l’Italie prendre la place privilégiée qui était acquise à l’Espagne avant le revirement de Sanchez.

Depuis septembre 2023, les relations algéro-espagnoles se sont quand même réchauffées
après des contacts noués lors de l’assemblée générale des nations unies à New York. Sur le plan diplomatique, l’Algérie a envoyé en novembre 2023 un nouvel ambassadeur à Madrid en la personne de Abdelfattah Daghmoum, dix-neuf mois après le rappel de Saïd Moussi, depuis nommé à Paris, en poste au moment du déclenchement de la crise.

Les opérateurs espagnols veulent un retour à la normale

Sur le plan économique, l’Algérie a commencé à lever la suspension des échanges avec
l’Espagne d’abord en autorisant l’importation des intrants avicoles en janvier 2024 puis les viandes rouges fraîches un mois plus tard. A cela s’ajoute, le lancement depuis samedi des exportations depuis le port de Vigo en Espagne des kits de pièces automobile de Stellantis, vers le port d’Oran, la ville où se trouve l’usine automobile de la marque Fiat appartenant au groupe en question. Dans ce contexte de retour progressif à la normale, les opérateurs espagnols présents sur le marché algérien espèrent une « grande annonce ».

« J’espère vraiment qu’on se dirige vers le déblocage de manière complète et définitive de la
situation des échanges commerciaux entre l’Espagne et l’Algérie », a déclaré à l’Algérie Aujourd’hui, le patron d’une entreprise espagnole qui exportait vers l’Algérie des machines industrielles dans le domaine des travaux publics. Comme toutes les entreprises espagnoles qui avaient une clientèle en Algérie, pour cette société, le manque à gagner engendré par le gel des relations commerciales est considérable. « Pour vous donner une idée, au mois de mai 2022 juste avant la suspension des relations, nous étions sur le point de finaliser une transaction de 500.000 € qui n’est pas allé à son terme et on l’a perdue définitivement », a-t-il regretté. Il est clair que du côté des entreprises espagnoles, les attentes sont grandes.

Le processus de dégel entamé en septembre 2023 à l’assemblée générale de l’ONU reste à entériner, selon Djameleddine Bouabdallah, président du cercle commercial et industriel algéroespagnol (CCIAE).

Les entreprises espagnoles doivent s’adapter à la nouvelle réalité du marché algérien

« Depuis septembre, plusieurs signaux montrent que les deux pays ont pris le chemin du dégel. A commencer par l’augmentation des liaisons aériennes, puis le retour de l’ambassadeur et pour finir l’autorisation de l’importation des intrants avicoles et des viandes rouges fraîches tout récemment », a-t-il indiqué. Selon le président du CCIAE, les entreprises espagnoles espèrent « une ouverture totale » pour qu’elles puissent s’exprimer.

Néanmoins, les entreprises espagnoles doivent s’adapter à une nouvelle réalité dans le marché algérien. L’Algérie ne veut plus d’importation tous azimuts de produits finis, a-t-il ajouté. « C’est dans le registre des matières premières et de l’ingénierie que vont s’orienter les échanges dorénavant. Il n’est plus question d’importation de produits finis. L’Algérie a relancé son industrie, et pour le côté espagnol, il y a une place à reconquérir. L’Etat espagnol vient aussi chercher le gaz. Le GNL coûte beaucoup plus cher que le gaz transféré via les gazoducs », poursuit Bouabdallah.

Z. H.