Alors qu’un flou juridique entoure l’activité des analyses médicales : Querelle entre laboratoires et pharmacies

0
535

PAR ZINE HADDADI

La polémique sur les analyses médicales effectuées par les pharmacies d’officine a refait surface. Le Salam (syndicat des laboratoires d’analyses médicales) est revenu dernièrement à la charge pour dénoncer la pratique des prélèvements par les pharmaciens d’officine.

La Salam a organisé lundi un rassemblement au niveau du ministère de la santé pour porter ses revendications. Le syndicat dénonce le flou entourant le corps de métier des laboratoires d’analyses médicales. Contacté par l’Algérie Aujourd’hui, Dr Adel Aggoune, vice-président du syndicat algérien des laboratoires d’analyses médicales, a dénoncé « une situation d’exception qui prévalait à une certaine époque mais qui n’a plus lieu d’être ».

Aggoune (Salam) : « Les pharmacies d’officine ne sont pas habilitées à faire les analyses médicales »

« La nouvelle loi sur la santé est claire dans ses articles 251, 252 et 253 qui définissent qui est habilité à faire le travail d’un laboratoire. Actuellement, nous sommes 1400 laboratoires en Algérie, on ne peut plus avancer l’argument du manque de labos. Les pharmaciens d’officine ne sont pas habilités à faire des analyses médicales », affirme le vice-président du Salam. Ce dernier cite des notes où le ministère considère cette situation comme une infraction à la réglementation régissant les professions de pharmacies d’officine et de laboratoires d’analyses médicales. Dr Aggoune évoque la loi sur la santé pour prouver que les pharmacies d’officine ne sont pas autorisées à faire les prélèvements, vu que l’article 251 stipule que « seuls les laboratoires de biologie médicale et les laboratoires d’anatomo-cytopathologie sont autorisés à effectuer des examens qui concourent au diagnostic, au traitement ou à la prévention des maladies humaines ou qui font apparaître tout autre modification de l’état physiologique des patients ».

Il ajoute que pour exploiter un laboratoire, il faut être titulaire d’un diplôme d’études médicales spécialisées en biologie clinique ou bien d’un diplôme d’études médicales spécialisées dans l’une des spécialités biologiques de base, selon les articles 252 et 253 de ladite loi. Des arguments rejetés en bloc par le vice-président du syndicat national des pharmacies d’officine (Snapo), Karim Mereghmi, joint par l’Algérie Aujourd’hui.

Mereghmi (Snapo) : «La pharmacie d’officine est un espace de santé, pas un point de vente de médicaments»

Karim Mereghmi estime pour sa part que les pharmacies d’officine sont bel et bien autorisées à faire les prélèvements d’analyses médicales, citant à son tour des textes réglementaires et précisant que l’absence des textes d’application de la loi sur la santé fait que les dispositions des anciennes lois restent en vigueur à ce jour.

« La pharmacie d’officine n’est pas un point de vente de médicament. Dans certaines régions reculées du pays, où il n’y a pas de laboratoires d’analyses médicales, on y effectue des prélèvements comme la glycémie, l’urée, etc. Le décret exécutif 92- 276 accorde aux pharmaciens le droit de procéder aux analyses médicales. Cela fait partie des missions qui lui sont conférées dans ce code de déontologie médicale », précise le vice-président du Snapo. Il revient entre autres sur les arguments du syndicat des laboratoires d’analyses médicales qu’il accuse de faire une lecture partiale de la loi 18-11 sur la santé.

« Même si on se réfère à l’argument de la loi sur la santé de 2018, elle parle de deux types de laboratoires précisément que sont ceux de biologie médicale et d’anatomo-cyto-pathologie qui sont les seuls habilités à faire les examens et non pas les analyses médicales », a-t-il tenu à préciser. Le vice-président du Snapo oppose l’argument du « réalisme ». Pour lui, le problème se pose de manière concrète pour les malades dans les hauts plateaux comme dans les régions du sud. Il cite l’exemple de la wilaya de Djelfa où seulement sept laboratoires d’analyses médicales exercent et où une trentaine de communes n’est pas couverte.

« Il y a 1300 laboratoires d’analyses médicales en Algérie. 90% d’entre eux sont basés dans le nord du pays. Pour un citoyen de Djelfa, il faut faire 200 km pour une simple analyse médicale. Voilà pourquoi le ministère de la santé a annulé sa note interdisant aux pharmacies d’officine d’effectuer les analyses médicales », explique Karim Mereghmi, qui ajoute que le registre du commerce des pharmacies contient bel et bien la mention
d’exécution des analyses médicales via le code 602 101 de la nomenclature des activités du CNRC.

Dans une note publiée en septembre 2023, le ministère de la santé avait levé l’interdiction d’exécution des analyses médicales pour les pharmacies d’officine annulant sa première note sur le même sujet émise en avril de la même année.

C’est donc un flou juridique qui crée une situation de confusion que le ministère de la santé n’arrive pas à résoudre jusqu’à présent. Le syndicat des laboratoires d’analyses médicales appelle le ministère de la santé à appliquer la loi. De son côté, le Snapo appelle à la définition du périmètre d’activité de chaque profession.

Z. H.