La France s’emballe pour le gaz algérien

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Medgaz

/A la veille de la réunion très attendue des chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-sept pays membres de l’UE prévue les 10 et 11 mars à Versailles et au lendemain du plan de Bruxelles pour réduire les importations européennes de gaz russe de deux tiers d’ici à la fin de l’année, la presse française a consacré plusieurs de ses colonnes aux alternatives au gaz russe. L’Algérie y était dans chacune d’elle.

La capacité et la volonté de l’Algérie de venir au secours de l’Europe a été traitée sous tous les angles par Le Monde, Le Figaro, Les Echos, Libération, Le Parisien et même l’Humanité. Jusque-là, ce fut surtout les Italiens et les Espagnols, en leur qualité de clients de premier ordre de l’Algérie qui traitaient du sujet, mais  cette intrusion française témoigne, d’abord, de l’intérêt soudain des Français pour le gaz algérien (qui ne couvre pas plus de 7% de leur consommation) et ensuite de l’ampleur de la crise née du conflit russo-ukrainien sur les ménages et aussi sur l’industrie française. «C’est une situation insupportable. Habituellement, le poste «électricité» de mon usine de Bonneville se monte à 1,2 million d’euros. Or, les estimations de mon fournisseur d’électricité pour 2022 se montent à 6 millions d’euros. À ce niveau-là, il nous est impossible de gagner de l’argent», dira au Figaro Stéphane Charbonnier, directeur financier de la Kartesis, un sous-traitant spécialisé dans l’usinage de pièces pour l’industrie automobile.

L’Humanité évoque le gaz de schiste algérien

L’Humanité, dans son édition d’hier, a mis en garde contre les hydrocarbures de schiste. Le journal s’est appuyé sur  l’un des grands opposants au schiste. «Cette question va revenir sur le devant de la scène», redoute Maxime Combes, économiste à l’Observatoire des multinationales. «C’est une énergie sale, extrêmement consommatrice en eau, exportée «non pas par gazoduc comme les matières premières russes, norvégiennes ou algériennes, mais par méthaniers», précise l’économiste. Le Journal l’Humanité l’a relancé sur le gaz algérien, l’économiste répondra : «L’Algérie, fournit 13,2% du gaz européen, mais le pays fait face à une augmentation considérable de sa demande intérieure, alors même que ses champs traditionnels ne fournissent pas autant qu’espéré. Mais comme chez nous, en Algérie aussi le débat sur l’exploitation des schistes, qui agite l’opinion publique dans ce pays où la ressource en eau est un enjeu crucial, risque de refaire surface.»

«L’Algérie pourrait offrir un dépannage énergétique de court terme», estime Perrin dans Les Echos

Le très sérieux journal les Echos pense qu’il faut miserdavantage sur le biogaz, le gaz naturel liquéfié (GNL) et l’hydrogène. Pour cela, il cite les Etats-Unis, la Norvège, l’Algérie, l’Egypte, la Corée, le Japon, le Qatar, la Turquie et Israël comme des partenaires «fiables vers qui il faut se tourner davantage. Dans un autre article, le même journal a estimé que «lAlgérie pourrait offrir un dépannage énergétique de court terme» rappelant qu’«Alger pourrait augmenter ses livraisons de gaz de 10 milliards de mètres cubes par an via son gazoduc vers l’Italie». Sur le même journal, mais dans un autre article intitulé «Quelles sont les alternatives aux gaz russe ?», l’Algérie est citée en premier. «Alger est le troisième fournisseur de gaz de l’Union européenne et assure 7,6% de ses importations. Pourrait-il peser plus lourd à l’avenir ? Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS et chercheur associé au Policy Center for the New South dit que oui. «Sur le plan technique, il existe une marge». Selon le chercheur, ses usines (algériennes) de liquéfaction pourraient produire 10 à 15 milliards de mètres cubes par an en plus. Du côté des trois gazoducs qui relient le pays à l’Europe, la situation varie : plus rien n’est envoyé via le Maghreb-Europe (GME), d’un débit de 13 milliards de mètres cubes par an, qu’Alger a fait fermer le 1er novembre dernier», explique Perrin qui écarte à l’occasion la possibilité que le GME soit rouvert. «En pleine crise diplomatique avec Rabat, il est peu probable qu’ils reviennent sur cette décision», dit-il. L’expert a ensuite expliqué que «pour compenser cette fermeture, Alger a augmenté le débit de son autre gazoduc vers l’Espagne, le Medgaz, de 8 à plus de 10 milliards de mètres cubes. Celui-ci fonctionne à pleine capacité.» Et de poursuivre : «C’est donc sur le dernier gazoduc, le Transmed, qui transporte le gaz jusqu’en Italie, que l’Algérie pourrait doper les livraisons. De 22 milliards de mètres cubes par an, elles pourraient grimper jusqu’à 32 milliards.»

Abidi : «La proximité de l’Algérie à l’Europe n’a pas de prix»

Pour augmenter encore davantage les livraisons, les choses se compliqueraient, car Alger doit faire face à une hausse de sa consommation intérieure de gaz (de 8% entre 2020 et 2021). Mais d’un autre côté, l’Europe est le «marché naturel» de Sonatrach qui y exporte l’essentiel de sa production. «L’Algérie est courtisée et est consciente de l’opportunité qui s’offre à elle pour confirmer son statut de producteur fiable sur le marché européen, qui est très convoité, soulève Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. «Elle a l’avantage de la proximité, qui n’a pas de prix», souligne-t-il sur les colonnes des Echos. 

«L’Espagne pourrait nous faire profiter du gaz algérien via le Midcat»

«Contrairement au reste de l’Europe, l’Espagne est alimentée directement par l’Algérie via un gazoduc… Elle dispose aussi de vastes infrastructures pour stocker et regazéifier les cargaisons arrivées sous forme liquide, avec sept terminaux en fonctionnement (six en Espagne et un au Portugal). L’Espagne a donc tout pour devenir l’un des grands hubs énergétiques européens. Sauf que ce potentiel s’arrête à la barrière des Pyrénées. Faute d’interconnexions suffisantes entre la France et la péninsule ibérique, il est difficile d’exploiter cette capacité énergétique pour le reste de l’Union», regrette Le Monde. «L’abandon du projet Midcat en janvier 2019 a sonné la fin des ambitions faute d’interconnexions gazières suffisantes avec la France, l’Espagne ne peut pas faire profiter ses voisins de son accès direct au gaz algérien… Le gazoduc aurait dû faire la jonction entre la Catalogne et la France pour faire remonter le gaz algérien vers le reste de l’Europe», écrit encore Le Monde. Mais au moment de chercher des alternatives, le projet Midcat a été relancé par la ministre de l’Economie espagnole, Nadia Calvino : «Midcat peut être réactivé si on lui garantit une rentabilité future, si nous l’associons aussi au transport d’hydrogène vert et s’il a un financement européen», dit-elle.

Y. C.