Lagha Chegrouche expert en énergie et géopolitique : «La désindexation du prix du gaz de celui du pétrole est une nécessité»

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PAR ABDELLAH B.

Le gaz naturel se dirige pour devenir la principale ressource énergétique dans le monde, et
l’indexation de son prix sur celui du pétrole engendrerait d’énormes pertes financières pour les pays producteurs, affirme Lagha Chegrouche, docteur à la Sorbonne. Selon Dr Chegrouche, ce dossier sera sur la table des discussions lors du sommet du Gecf qui
se déroulera à Alger du 29 février au 2 mars prochain. « Les pays producteurs n’ont aucun intérêt à maintenir cette option qui a été instaurée pour la première fois durant les années 80, où les prix du gaz étaient très faibles sur le marché international », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse animée hier au ministère de la communication. Une décision de
ce genre aura un impact important sur le marché gazier mondial et permettra le positionnement des pays producteurs commeacteurs clés. Sur ce point, le chercheur dans le domaine de l’énergie et la géopolitique de l’université de la Sorbonne affirme que les
pays occidentaux s’opposent à la transformation des pays producteurs en acteurs clés sur le marché gazier.

« Pour eux, les pays producteurs peuvent améliorer leur production, mais jamais devenir un acteur clé. Ce genre de situation, nous l’avions vécu en Algérie. Des pays européens, par le passé, ont saboté les projets de transport de gaz vers l’Europe, le Galsi et le gazoduc transsaharien qui démarre du Nigeria, qui passe par le Niger pour finir sur les côtes algériennes. Tout cela a pour but d’empêcher l’Algérie de devenir un acteur clé. L’évolution de la situation géopolitique est aujourd’hui en faveur des pays de Gecf pour s’affirmer comme un acteur incontestable sur le marché gazier », explique-t-il. De ce fait, l’enjeu capital de la rencontre d’Alger réside dans la capacité des membres du cartel gazier à converger leurs points devue pour la stabilisation du marché. « Il faut savoir que la stabilité
du marché n’est pas dans l’intérêt des pays européens. L’instabilité favorise leur intervention. Et je crois que cette fois-ci, les pays producteurs ont bien compris ce qui donne un aspect assez particulier à cette rencontre », affirmet-il, avant d’ajouter : « J’espère que cette décision ne sera pas prise àAlger et que ce sommet permettra juste d’ouvrir la voie pour la sortie de ce piège occidental. »

Le sommet d’Alger marquera le point de transformation du marché gazier qui ira vers plus de stabilité d’approvisionnement et des cours de ce combustible d’une manière qui arrangera à la fois le producteur et le consommateur. « Je crois que la géopolitique jouera un rôle important dans le rapprochement des points de vue des pays membres. Avant, la question énergétique était toujours au centre des divergences entre les membres, notamment la Russie, l’Iran et d’autres, même si on a de bonnes relations avec eux. Cette fois-ci, ces derniers sont dans l’obligation d’aborder cette question avec l’Algérie qui est le seul pays de l’organisation à pouvoirs jouer le rôle de fédérateur dans l’intérêt du groupe », indique-t-il.

Le renforcement des rangs des pays producteurs du gaz leur permettra de jouer un rôle clé
dans la nouvelle cartographie énergétique mondiale et de faire barrage aux tentatives américaines de s’immiscer dans le marché gazier comme ils le font depuis des décennies sur le marché pétrolier. Cette nouvelle démarche américaine est de plus en plus visible durant ces deux dernières années en inondant le marché européen en gaz liquéfié pour tirer les prix vers le bas et répondre à une part importante du marché énergétique européen, suite à la réduction des approvisionnements russes en gaz naturel.

A. B.