Lamamra répond à Macron et rassure Bamako

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Lamamra

Lamamra a choisi de donner à sa réponse aux propos «belliqueux» de Macron une dimension africaine.

En choisissant la capitale malienne Bamako, le ministre algérien envoie un message fort aux Africains et à la communauté internationale. Il rappelle d’abord que « l’Afrique qui est le berceau de l’humanité est également le tombeau du colonialisme et du racisme ». Avant d’évoquer le partenaire français avec lequel « il y a une logique de donner et de recevoir, il n’y a pas de cadeau, il n’y a pas d’offrande à sens unique. Il y a les intérêts stratégiques, économiques bien compris qui ne peuvent durer, ni être promus, encore moins se consolider et subir l’épreuve de le durée, que dans le respect mutuel et l’équilibre des intérêts », a-t-il déclaré. Il a appelé aussi à la décolonisation des esprits en France et la « faillite mémorielle » que trahissent les propos concernant l’Algérie, et le Mali. Une réponse à peine voilée aux déclarations de Macron « Nos partenaires étrangers ont besoin de décoloniser leur propre histoire », a martelé Lamamra. Et d’ajouter : « Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, comportements et visions qui sont intrinsèquement liés à la logique incohérente portée par la prétendue mission civilisatrice de l’Occident ». Cette « prétendue mission civilisatrice » a été la « couverture idéologique pour essayer de faire passer le crime contre l’humanité qui a été la colonisation de l’Algérie, du Mali et de tant de peuples africains », a encore rappelé Lamamra, avant d’inviter la France à des relations assainies avec le respect de la souveraineté et l’indépendance des pays africains. Le ministre algérien des AE qui se voulait pédagogique a tenu aussi à rappeler le contexte historique de la guerre de libération nationale qui a contribué à l’accélération du mouvement émancipateur du continent africain. Lamamra ajoute encore : « Nous sommes très fiers de cette contribution à l’émancipation des peuples africains et ceci nous impose le devoir de rester extrêmement vigilants, engagés lorsqu’il s’agit de préserver notre indépendance nationale, comme celles de nos pays frères, voisins, amis ». Le chef de la diplomatie algérienne, envoyé spécial

du président de la République M. Abdelmadjid Tebboune, précise qu’il s’est rendu à Bamako « pour témoigner de la solidarité agissante de l’Algérie au peuple et au gouvernement maliens ». Cette solidarité ne concerne pas seulement la situation tragique du Sahel, mais également le bras de fer vécu ces derniers jours avec l’ancien colonisateur.

Serval et Barkhane en question

Les relations entre la France et le Mali sont rentrées dans une zone de turbulences. Depuis que la France a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire avec une réduction de ses effectifs d’ici à 2023 à 2.500-3.000 hommes, contre plus de 5.000 aujourd’hui. Une décision qui signe la fin de l’opération Barkhane. Pour rappel, les Français interviennent militairement depuis 2013 contre les groupes jihadistes.

Cette décision unilatérale n’a pas été du goût de nos amis maliens. A la tribune de l’ONU, le Premier ministre de transition Choguel Kokalla Maïga a parlé d’un « abandon en plein vol », propos qualifiés de « honte » par l’Elysée. Depuis, c’est l’escaladejusqu’à l’intervention du président Macron sur les ondes de France inter, avant-hier mardi, qui a appelé à ce que l’Etat revienne au Mali. Le chef de l’Etat

français qui a salué « des vrais succès » de l’armée française au Mali a demandé à ce que « derrière, les projets se développent », au risque de voir les « terroristes reprendre » les territoires libérés. Selon

Emmanuel Macron, les soldats français ne peuvent pas « remplacer ce qui est le travail » des Etats du Sahel. Ces propos ne passent pas à Bamako qui a convoqué le jour même l’ambassadeur de France après les propos jugés « regrettables » du président Emmanuel Macron. « Le ministère malien a invité les autorités françaises à la retenue, en évitant des jugements de valeur », a commenté le ministère malien des Affaires étrangères dans un communiqué.

Le communiqué de la diplomatie malienne fustige les « propos inamicaux et désobligeants » du président français et exprime une « vive protestation contre ces propos regrettables ». Il appelle la France à « se concentrer sur l’essentiel, notamment la lutte contre le terrorisme (au) Sahel ».

Cette réaction ne fait qu’exacerber les relations franco-maliennes déjà très à mal depuis quelque temps. En fait, tout tourne autour du bilan des opérations Barkhane et Serval. Les élites maliennes reprochent une incohérence dans la démarche française.

Même si elles reconnaissent un succès tactique contre le terrorisme djihadiste, elles croient que sur le plan stratégique, c’est un cuisant échec. Reprochant aux Français de s’allier avec des mouvements qui ne reconnaissent pas la souveraineté malienne sur sa partie nord, dont le recouvrement était justement le but essentiel de ces interventions.

L’Algérie qui s’est toujours engagée dans le processus de réconciliation nationale au Mali, à travers l’accord d’Alger, ne peut que se tenir aux côtés de l’Etat souverain malien.

Cette promesse a été réaffirmée par le ministre des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra lors de la visite à la République du Mali, en sa qualité d’envoyé spécial du président de la République, pour rappeler « la solidarité inconditionnelle de l’Algérie et son ferme engagement à soutenir le Mali, notamment à la lumière des défis actuels. »

N. A.

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