L’autosurveillance du diabète : Les recommandations des spécialistes

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L’autosurveillance du diabète : Les recommandations des spécialistes

Étourdissements, coups de fatigue, tremblottes et bien d’autres maux sont souvent traduits comme étant des symptômes de baisse de glycémie chez les patients diabétiques. Ces lectures farfelues du taux de glycémie sont un danger pour le patient. Des spécialistes, lors d’un séminaire autour du diabète, insistent sur l’autosurveillance de la glycémie. La donnée collectée grâce aux outils de contrôle permet une meilleure prise en charge de cette maladie.

Le laboratoire Salem a organisé, vendredi 3 mai, un séminaire autour du diabète. L’occasion de présenter ses innovations en matière de contrôle glycémique continue.

L’Algérie commercialise les bandelettes tests de contrôle et de surveillance de la glycémie qui sont fabriquées en Algérie et remboursées par la sécurité sociale. Cependant, le patient ne sait pas encore les utiliser.

«Souvent des patients viennent avec des bandelettes dont la date d’expiration approche et nous demandent de les donner, car ils n’en ont pas besoin. Il faut mettre en place un accompagnement dans le cadre de l’éducation thérapeutique pour comprendre l’intérêt des bandelettes pour que le patient les utilise. L’autosurveillance est un pilier pour le système de santé » affirme Nassim Nouri professeur en endocrinologie et maladies métaboliques au CHU de Constantine.

Pr Baghous : «La surveillance glycémique a bouleversé la diabétologie»

Le diabète est une augmentation du chiffre glycémique qui est asymptomatique. En langage courant, une maladie silencieuse et mortelle. Un patient est souvent en hyperglycémie mais ne le sait pas. Cette hyperglycémie a pourtant un retentissement sur les vaisseaux. Le diabète est malheureusement la première cause de cécité dans le monde. La première cause des maladies rénales chroniques et de dialyse dans le monde. La première cause d’amputation non traumatique dans le monde, etc.

Houssem Baghous, professeur en endocrinologie et maladies métaboliques au CHU Mustapha-Pacha, explique que ce n’est que dans les années 90 que la médecine a rétabli le symptôme du diabète.

«Les malades arrivaient chez le médecin avec les complications. Malheureusement on ne peut pas revenir en arrière. Ce qui a bouleversé la diabétologie est la surveillance glycémique. Le patient faisait un effort de s’équilibrer et éviter les complications.»

Pr Baghous souligne que les médecins ont  perdu du temps dans l’éducation thérapeutique standardisée.

«La technique apporte énormément au patient de diabète du type 1. La mesure continue du glucose est faite par un capteur placé au niveau du bras ou de l’abdomen et qui permet de mesurer la glycémie chaque 5 minutes et de dessiner un graphique. Il y a aussi des alertes prédictives sur une éventuelle hypoglycémie», précise-t-il.

Le médecin rappelle également l’apport de la pompe à insuline qui fournit des doses régulières d’insuline en fonction des besoins. Dans le diabète du type 1 il y a une destruction des cellules qui produisent de l’insuline et le patient était obligé de faire jusqu’à 5 injections par jour. C’est très contraignant. Avec la pompe à insuline, on a remplacé ces injections, souligne-t-il.

La dernière innovation est le pancréas artificiel. «Nous avons mis en contact les données glycémiques avec la pompe. La pompe gère l’infusion d’insuline en se fiant au chiffre donné par le capteur. Grâce à l’intelligence artificielle, la patiente annonce son repas et sa glycémie est gérée par l’appareil.»

La pompe pour réguler la glycémie : «Oui,  mais à quel prix ?»

Il est indéniable que ces technologies qui permettent une surveillance efficace du taux de glycémie améliorent la prise en charge de cette maladie. Mieux encore, l’impact est visible sur tout le système de santé. Quand on régule sa glycémie, on évite les complications, on réduit le nombre d’hospitalisations, le nombre d’amputations, et aussi on allège le poids des dépenses de la sécurité sociale.

«Si ça améliore nous sommes prescripteurs, mais est-ce que le malade est capable de l’acheter», se demande Pr Ammar Tebaibia, spécialiste en médecine interne.

Le challenge aujourd’hui, selon lui, est d’éviter les complications. Cet objectif sera déterminé par plusieurs facteurs, à savoir l’âge du patient, l’ancienneté de la maladie, etc. Le médecin essaie de trouver le bon médicament et le matériel qui permet le contrôle parfait de la glycémie et éviter les complications. Mais est-ce que le malade est capable de l’acheter.

Cette innovation ne doit pas concerner tous les diabétiques, affirme Nassim Nouri, professeur en endocrinologie et maladies métaboliques au CHU de Constantine.

«Je me souviens d’une patiente qui est venue me consulter car elle faisait des fausses couches à cause de son diabète. Elle me dit j’ai les moyens d’obtenir la pompe, vous me la placez pour que je régule ma glycémie. Je lui explique qu’avant d’arriver à la pompe nous devons utiliser tous les autres moyens. Cette femme est tombée enceinte après avoir stabilisé sa glycémie grâce aux bandelettes», met-il en garde contre le manque d’information.

Ces technologies sont néanmoins indispensables pour une certaine catégorie de patients. Pour Nassim Nouri, un bébé né avec un diabète néonatal, il lui faut 0,10 unité d’insuline qu’il ne peut avoir qu’avec la pompe à insuline.

Il évoque un autre point important. Il faut des centres de référence pour la formation du personnel de santé autour de l’utilisation de la pompe, il faut généraliser le savoir.

«Il est rentable de rembourser les capteurs de glycémie dans le diabète de type 1»

Pr Baghous appelle à la mise en place des recommandations locales pour définir les priorités en matière d’accessibilité à la pompe ou au capteur de glycémie. Il suggère que l’Etat peut envisager d’offrir à des centres spécialisés  des quotas de pompes pour des patients de diabète du type 1.

«L’avantage en Algérie est que le tissu privé est connecté à l’hôpital. Ensemble, on définira les priorités. Donc les autorités doivent se pencher sur cette question et trouver une formule qui permet de mettre ces outils à la disposition des cas les plus urgents», précise-t-il.

Pr Baghous déplore le manque d’étude pharmaco-économique qui permet de démontrer l’impact de ces dispositifs sur la santé du patient et le système de santé d’un pays. Il donne l’exemple du modèle de santé anglais.

«L’Angleterre est le pays qui a mis le plus de temps pour le remboursement des capteurs de glycémie. Ils ont demandé à l’association britannique des diabétologues de faire une étude. Ils ont démontré que ces technologies ont permis une réduction de plus de 70% d’hypoglycémie sévère. Une baisse de plus de 75% d’hospitalisations d’acidocétose diabétique qui est mortelle. Le rapport a conclu qu’il est rentable de rembourser ces dispositifs dans le diabète de type 1», souligne-t-il.

Les spécialistes qui ont pris part à ce séminaire ont saisi cette occasion pour la mise en garde quant à la consommation de sucre en Algérie. Nassim Nouri estime que le lobby du sucre est très puissant. Selon lui, les boissons en Algérie contiennent le taux de sucre le plus élevé au monde. Pr Baghous tire la sonnette d’alarme : «Si l’Algérien continue avec ce mode d’alimentation, dans quelques années nous ferons face à une menace sanitaire qui provoquera un désastre sur la santé publique.»