Le Drian en pompier à Alger : des paroles en attendant les actes

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/Dans une démarche que l’on peut assimiler à une opération de déminage, la visite de Le Drian en Algérie s’apparente à un aveu de défaite de la France dans le bras de fer qui a suivi la tension politico-diplomatique entre les deux pays.

Entre le désir de la Macronie de rattraper les bourdes de son chef et l’enjeu de la future élection présidentielle en France, la question «algérienne» est une des questions de l’heure pour le clan Macron. Les déclarations de Le Drian à Alger montrent à quel point ce dossier est embarrassant pour Paris. La visite du ministre des Affaires étrangères français, Jean Yves Le Drian, peut être considérée comme un fait important pour le futur des relations entre les deux pays. Usant d’un langage très diplomatique, le ministre français a semblé marcher sur des œufs. Des phrases comme «Je souhaite que nos deux pays reprennent ensemble la voie d’une relation apaisée et puissent regarder vers l’avenir» ou «Nous souhaitons que le dialogue que nous relançons aujourd’hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022» ou encore «La France et l’Algérie font face ensemble à des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain» auraient pu passer pour des banalités dans un contexte politique apaisé entre les deux nations. Mais, ces propos prennent une autre tournure quand on les situe dans le contexte actuel.  Après plus de deux mois d’une crise d’une rare gravité entre les deux pays, alimentée notamment par un conflit mémoriel, Jean Yves Le Drian a voulu acter la volonté du gouvernement français de relancer la relation bilatérale. Sauf que d’un autre côté, le représentant de la majorité présidentielle en France a tenu compte du contexte politique dans son pays, ou l’ensemble de la droite française, y compris celle qui fait partie du mouvement En Marche, met la question algérienne au centre des débats. 

Double discours ?

Cette nouvelle démarche a été mise en exergue par le délégué interministériel à la Méditerranée qui a expliqué que la  réconciliation entre la France et l’Algérie «est un sujet à deux dimensions». M. Amellal explique que la première est une «relation bilatérale diplomatique et politique entre deux pays», celle que M. Le Drian veut mettre en avant. Une seconde dimension est, selon l’ambassadeur Amellal, «franco-française». Celle-ci  doit aboutir, à son avis, à une «réconciliation en nous», notamment sur le sujet de la Guerre d’Algérie vue de Paris. Cette volonté de scinder en deux la question de la mémoire et par prolongement le dossier des relations algéro-françaises par le clan Macron va sans doute se heurter à l’heure du passage à l’acte. La question migratoire et la fameuse polémique sur les OQTF va être mise sur le tapis. A ce propos, le ministre de l’Intérieur français Darmanin avait été pris en flagrant délit de mensonge par le président Tebboune. D’un autre côté, concernant l’épineuse question des visas, Alger avait alors déploré une décision intervenue «sans consultation préalable», notamment dans la  formulation de l’annonce qui avait tout l’air d’un chantage au visa. En fait, ce sont un ensemble de dossiers qui, en plus de la question mémorielle, ont été la cause de la dégradation des relations bilatérales entre les deux pays. Comme le premier coup est parti de Paris, la solution viendra de la capitale française. Macron devra apporter dans les prochains jours la preuve que la démarche de son ministre des Affaires étrangères est aussi empreinte de «sincérité».  

C. S.

Ce qu’a dit le MAE français

« Renouer une relation de confiance », telle est l’objectif qu’a assigné Le Drian à sa visite à Alger, pour reprendre ses propres dires. 

«Lever les blocages et regarder vers l’avenir»

En visite à Alger, hier, le ministre des Affaires étrangères français a été reçu en audience par le Président Tebboune. A l’issue de cette rencontre, Jean Yves Le Drian a exprimé son « souhait » de travailler à « lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre les deux pays ». Ce déplacement en Algérie vise, dit-il à «renouer une relation de confiance entre nos deux pays, marquée par le respect de la souveraineté de chacun, mais aussi de regarder vers l’avenir pour travailler à la relance et à l’approfondissement de notre partenariat qui est indispensable ». Le Drian soulignera aussi que « la France et l’Algérie ont des liens profonds animés par la densité des relations humaines entre Algériens et Français, et ancrés dans une Histoire complexe ». Il indiquera qu’au cours des échanges, les deux parties ont convenu de reprendre certains axes de la coopération bilatérale : « Cela se traduira par la reprise d’un dialogue opérationnel entre partenaires sur les questions humaines et migratoires, et aussi par la reprise d’un dialogue opérationnel sur la lutte contre le terrorisme et par nos efforts communs pour assurer la sécurité de nos deux pays ».

«Reprendre les échanges politiques»

Le chef de la diplomatie française formulera le souhait que le «dialogue que nous relançons aujourd’hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022″. Dans ce sens, il a fait observer qu' »au-delà des blessures du passé que nous devons regarder en face et au-delà des malentendus qu’il nous revient de dépasser », il a exprimé une nouvelle fois son souhait de voir les deux pays « reprendre ensemble la voie d’une relation apaisée et pouvoir regarder vers l’avenir ».

«Un partenaire essentiel sur le plan régional»

Au-delà des questions bilatérales, Le Drian estime que l’Algérie est un «partenaire essentiel» pour la France sur le plan régional. Il évoquera ainsi plusieurs questions, telles que celles de la Libye et du Mali. Pour la Libye, il dira : «Nous entendons continuer à coordonner nos initiatives diplomatiques pour favoriser le processus d’une transition politique en Libye à la suite de la Conférence de Paris à laquelle le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, avait représenté le Président Tebboune ».

«L’Algérie joue un rôle important au Mali»

Quant à la question malienne, il soulignera l’importance du rôle de l’Algérie. »Nous avons, indique-t-il, également fait le point sur la situation au Mali où l’Algérie joue un rôle important », soulignant aussi que « l’engagement de l’Algérie dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation est un élément essentiel du processus de paix au Mali ». « Je tiens à saluer cet engagement et je forme le vœu que notre dialogue se poursuive sur ce sujet », a-t-il affirmé. Dans le même sillage, il a indiqué que la France et l’Algérie font face ensemble à « des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain », soulignant que les deux pays « doivent être en mesure de proposer des réponses opérationnelles aux défis que représente le terrorisme dans la région sahélienne, mais aussi l’émigration clandestine ainsi qu’aux enjeux de développement économique ». Enfin, Le Drian s’est dit « heureux de revenir en Algérie » où « j’ai eu l’honneur et le plaisir de m’entretenir longuement avec le Président Tebboune et avec mon homologue M. Lamamra » qu’il n’omettra pas de «remercier de leur accueil chaleureux ».

R. N.

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