Biennale de design : Les concepteurs algériens prolongent le cycle de vie des objets par souci de durabilité

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L’éco-responsabilité dans la création d’objets de design est un chemin vertueux que des concepteurs algériens ont emprunté afin de répondre à la thématique de la biennale de design «Pour un monde réel». La villa Abdellatif, qui accueille la grande exposition d’Alger, foisonne d’idée de réflexions et de projets qui abordent les défis environnementaux et questionnent nos usages vis-à-vis de la planète.

À la fois spectaculaire et sensible, l’exposition des designers d’Alger explore le possible pour rendre les objets du design plus adapté à notre monde actuel. Comment ? En produisant avec des matériaux naturels, en donnant une seconde vie aux déchets, en réfléchissant ensemble à des actions collectives et durables.

«Lorsque nous avons lancé l’appel à candidatures, nous savions pertinemment que la thématique allait susciter énormément de question chez les concepteurs, voire des confusions et de l’incompréhension, et c’est l’essence même de cette discipline. Un designer doit d’abord se demander pourquoi il doit créer tel objet, à qui va-t-il servir et est-ce qu’il est nécessaire», précise la commissaire de l’exposition Feriel Gasmi Issiakhem.

Pour répondre à cette thématique les concepteurs ont usé de différents médiums pour  engager la réflexion sur le design éco-responsable. L’entrée en la matière se fait par l’installation du designer d’espace et de mobilier Walid Drouche baptisée «Instinct» qui accueille les visiteurs dès l’entrée.

Plusieurs silhouettes créées en papier mâché entourent un flamant positionné au centre de ce cercle et qui a, à son pied, une boule lumineuse. Pour le jeune designer, l’installation représente des moments du passage de la vie d’une personne.

«La plénitude est un peu le fantasme de chaque humain. Avoir la main sur les différentes énergies pour atteindre l’épanouissement. Cette énergie, je l’assimile à cette lumière au pied du flamant qui la gère parfaitement avec son pied», décrit-il

L’installation «Instinct» porte deux messages. Elle est créée par un matériau écologique issu de la récupération et recyclable, à savoir le papier mâché. Et le côté philosophique qui invite à explorer les différents états émotionnels et aller vers l’essentiel, notamment la protection de notre nature.

Repenser sa manière de faire

Des chutes de tissus jonchent le sol d’un couloir qui conduit à un mannequin habillé de la veste traditionnelle du karakou. Un message de la fashion-designer Rym Menaifi à l’industrie du textile.

La modéliste dont la marque de haute couture «Menouba» modernise et préserve les tenues traditionnelles algériennes. Elle confie que son atelier qui existe depuis 17 ans a vu s’entasser des chutes de tissus, des fils, des rubans et tous les produits de mercerie, stocké dans une pièce de l’atelier.

«Il fallait pour moi partir de la récupération et ne rien acheter. J’ai donc déballé les sacs qui contiennent ces tissus pour créer ces œuvres. L’idée est donc de démontrer que d’un amas de tissus, on peut créer une pièce de haute couture. Cette expérience m’a ramené à mes débuts où j’avais peu de moyens pour réaliser mes créations. C’est un exercice important de revenir aux sources et voir comment nos métiers évoluent et apporter des améliorations à nos façons de faire», souligne Rym Menaifi.

Amor Guelil, spécialisé dans le vêtement, la couture et la haute couture, profite de cette occasion pour annoncer le lancement des premières parures de draps et linge de maison éco-responsable. «Tous les tissus seront repris d’usines. La ouate que vous voyez ici a été reprise d’une usine qui allait fermer, donc nous allons l’utiliser pour nos prochaines collections», précise Sarah responsable marketing de Amor Guelil.

 Mais qu’en pensent les Algériens ?

La démarche du designer pour répondre à une problématique prend différentes formes et cette exposition l’illustre parfaitement. Norya Benkrytli artiste designer a tendu le micro aux Algériens pour savoir ce qu’ils pensent du recyclage de déchets.

«Mon premier réflexe après avoir appris la thématique était de me demander ce qu’en pensent les Algériens et quel était notre rapport à l’éco-responsabilité. D’où l’idée de ce micro-trottoir est de poser des questions aux gens dans la rue», explique-t-elle.

Echosonie est une restitution à travers une image sonore à travers laquelle je souhaite dévoiler les inégalités quant à la démarche durable en Algérie et ailleurs. Il y a trois audio que les visiteurs de la biennale peuvent écouter et découvrir les témoignages.

«Dans le premier audio, ce sont des micros-trottoirs bruts réalisés dans différents quartiers El Malha, Alger centre, Chebli, etc. Le deuxième audio interroge des personnes qui sont engagées dans la responsabilité sociétale, et le troisième «Au delà des frontières» des interviews de personnes dans d’autres pays comme la Nouvelle-Zélande, le Qatar, le Portugal, à travers lesquelles on découvre les inégalités qui existent ailleurs et les comparer aux nôtres».

Norya Benkrytli dit que cette expérience lui a permis de découvrir tout un mode de gestion de déchets qui s’organise en Algérie.

Echosonie, c’est aussi une installation. On y voit un filet de pêche suspendu au plafond et contenant des déchets «je me suis d’abord questionné sur mon rapport à ma consommation et ma gestion des déchets. Donc ce que vous voyez là, ce sont mes déchets non composables sur une dizaine de jours», conclut-elle.

La biennale algéro-française de design est organisée depuis 2019 par l’institut français d’Algérie en partenariat avec le ministère de la culture et des arts et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Elle se tiendra cette année jusqu’au 08 juin.