Le théâtre au temps du Covid

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théatre

Adeptes des conditions extrêmes, les artistes algériens ne se sont guère laissés impressionner par la Covid-19. Refusant de se laisser abattre par le confinement et l’angoisse imposée par la crise sanitaire, ils étaient nombreux à continuer à nous émerveiller. Alors que certains se sont carrément réinventés, d’autres ont préféré donner vie à des projets qui leur tenaient à cœur. Telle une échappatoire, ils se sont attelés à la création pour continuer d’exister mais surtout pour adoucir le quotidien difficile des Algériens. A l’occasion de la reprise des activités culturelles annoncée par le ministère de la Culture et des arts, nous avons décidé de revenir sur quelques expériences qui ont marqué la scène culturelle algérienne en ces temps de pandémie.

Le confinement comme élément déclencheur

Comment évoquer le confinement sans parler de la belle création théâtrale «Rejoins moi au mont Waq Waq». Une adaptation libre des aventures de Sinbad le marin qui a permis à sa metteur en scène, la talentueuse Adila Bendimerad, et son acolyte Tarek Bouarara d’enfiler leurs costumes et nous embarquer dans une épopée fantastique qui a ravi les grands et les petits. Malgré la conjoncture exceptionnelle, la petite troupe n’a pas hésité à profiter du moindre allégement des mesures sanitaires pour «respirer» et émerveiller leur public à travers le territoire nationale notamment grâce à une mini tournée mais aussi plusieurs dates à l’Oref. «Sans le confinement, la pièce «Rejoins-moi au mont waq waq» n’aurait jamais vu le jour. C’est un projet sur lequel Adila et moi avons commencé à travailler lors du premier confinement. Nous l’avons d’abord fait pour garder la forme comme le disait Adila, puis petit à petit l’œuvre prenait forme sous nos yeux. Des petites histoires sont venues se greffer à la grande histoire puis il y a eu le choix de la langue qui est le dialecte algérien», nous a déclaré Tarek Bouarara qui poursuit : «Cette période de confinement nous a permis de nous concentrer sur notre création et donner le meilleur de nous-mêmes. Ça a été un réel plaisir pour nous de donner notre première représentation après avoir passé des mois à jouer seuls. Cela a été une aventure exceptionnelle que l’on doit à la crise sanitaire», a-t-il dit.

Même si les artistes ont subi la crise sanitaire de plein fouet, le comédien estime que cette sombre période a eu du bon quand même. «Le confinement a donné l’occasion à tous les créateurs de se consacrer entièrement à leur passion pour présenter une œuvre accomplie et bien murie et cela dans toutes les disciplines», a-t-il estimé.

Un théâtre pas comme les autres !

A la tête du mythique théâtre régional de Sidi Bel-Abbès depuis près d’une année, Rachid Djrourou, talent confirmé et reconnu du 4e art fait partie de ceux qui ont bravé la pandémie refusant de se soumettre à son dictat. Armé de bonne volonté et de beaucoup d’énergie, il a tenté de dépoussiérer son institution et faire du confinement un moment propice à la création. «Les restrictions qui ont été imposées par la crise sanitaire ont été très mal vécues par le monde artistique, c’est pour cela que j’ai tenté de mettre tous les moyens dont dispose le théâtre pour continuer à créer et soutenir les artistes», a déclaré Rachid Djrourou.  En effet, il faut dire que les travailleurs du TR Sidi Bel-Abbès n’ont guère chômé avec l’organisation d’ateliers dans les zones d’ombre mais aussi en soutenant les associations théâtrales fragilisées par la situation. «Grâce aux conventions que nous avons signées avec l’université de Tlemcen et autres institutions, nous avons pu apporter notre aide en leur ouvrant les portes du théâtre et en garantissant le côté logistique. C’est ce qui a donné naissance à une dizaine de productions théâtrales que nous allons bientôt présenter sur nos planches», a indiqué notre interlocuteur. Aussi, les ateliers organisés dans les zones rurales ont abouti à deux représentations théâtrales qui seront bientôt dévoilés au grand public. Notre interlocuteur nous a aussi affirmé que la période de fermeture de l’institution a donné l’occasion de revoir les archives du théâtre et opter pour une meilleure qualité d’enregistrement des pièces théâtrales diffusées sur la plateforme de l’institution.

Qu’ils soient hommes de théâtre, musiciens, plasticiens ou danseurs, nos artistes ont su relever avec brio un défi de taille, celui de conjuguer leurs passions avec une situation inédite pour notre plus grand plaisir.

W. S.

Djilali Boudjemaâ, fondateur de la troupe El Moudja : «La pandémie est tombée à pic»

Légende vivante du théâtre amateur algérien, Djilali Boudjemaâ, fondateur de la troupe El Moudja, de Mostaganem a aussi de son côté refusé de se laisser faire par la pandémie et cela en arborant la créativité comme arme de lutte. Formation en continu pour les jeunes comédiens dans le respect total des gestes barrières, séances de lecture de textes allant même jusqu’à monter un spectacle en plein confinement. Eternel résistant, cet artiste continue à transmettre aux générations à venir sa passion pour le 4e art mais aussi de véritables leçons de vie.

En tat qu’artiste formateur, pouvez-vous nous raconter comment vous vivez la crise sanitaire ?

L’ensemble des artistes algériens ont mal vécu la crise sanitaire avec son lot de restrictions. Pour ma part, je refuse de la qualifier de la pire période car en tant qu’artistes indépendants nous sommes habitués à des situations tout aussi difficiles. La pandémie n’a été qu’une épreuve de plus pour nous que nous avons tenté de dépasser à notre manière, à savoir en continuant de créer. Même si El Moudja avait fermé ses portes lors du premier confinement, les membres de la troupe, de leur côté ont continué à travailler pour donner naissance au spectacle que l’on a baptisé «l’Oursin». Il s’agit d’une œuvre dédiée à la nature faite pour sensibiliser les gens sur l’environnement. C’est un peu à cause de la folie de l’Homme que nous sommes là aujourd’hui, à avoir peur d’un virus.

Les artistes ont été sérieusement impactés par la crise, comment va se passer la reprise, selon vous ?

J’ai toujours dit que là où il y a malheur, le théâtre trouve son compte.  Une telle conjoncture ne peut qu’être bénéfique pour l’art en général et le théâtre en particulier qui se doit de continuer à exister pour exorciser le mal dont est atteinte la société. Je prends l’exemple d’Antonin Artaud. Les sombres circonstances ayant entouré sa vie lui ont permis de donner le meilleur de lui-même. C’est d’ailleurs la mission sacrée du 4e art, évoquer et traiter les malheurs qui nous entourent. Je cite l’exemple des années noires qui ont aussi été marquées par un mouvement artistique. L’artiste doit savoir se nourrir de ce qui l’entoure pour créer et laisser place à la beauté.

Nous avons aussi connu de belles créations lors de cette pandémie, le confinement y est pour quelque chose ?

Cela pourrait choquer mais je pense que la pandémie est tombée à pic pour nous imposer une réelle remise en question. Nous sommes dans une époque où tout va mal. Les jeunes ont perdu leurs repères et les artistes ont failli à leur mission. Je crois que nous devons rester confinés pour au moins 5 ans (rires) et cela afin de changer les mentalités. 

W. S.

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