Aznar, ancien chef du gouvernement espagnol, scandalisé par la décision de Sanchez : «Une politique maladroite et une défaite diplomatique »

0
71

/A l’instar de beaucoup de politiques ibériques, l’ancien Premier ministre espagnol, Aznar, est scandalisé par la décision du gouvernement Sanchez d’adopter le plan du Maroc sur le Sahara occidental. C’est une «politique maladroite» et une « défaite diplomatique », martèle-t-il. José Maria Aznar assure que ce revirement historique dans la position de l’Espagne quant au conflit au Sahara peut ouvrir une crise avec l’Algérie alors «qu’il convient de rester en bons termes avec les producteurs de gaz alternatifs à la Russie».

Aznar, à travers le FAES, une organisation dont-il est le président, a qualifié ce revirement diplomatique de «fudge politique». Dans un long document publié sur le pacte de la Moncloa avec Mohamed VI pour reconnaître l’autonomie – dans le cadre de la souveraineté marocaine – de l’ancienne colonie, il se lance dans une analyse aussi pertinente que pragmatique lors de laquelle il prévoit «de lourdes conséquences sur l’Espagne». Aznar se concentre également sur l’une des questions non encore résolues par l’exécutif : pourquoi les Espagnols ont-ils appris la nouvelle par le Palais Royal du Maroc, et non par le gouvernement national ?

«Sanchez attribue la souveraineté sur le Sahara au Maroc»

«Dans sa lettre au roi Mohamed VI, Pedro Sanchez conclut que la proposition marocaine est «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible» pour résoudre le conflit, mais il manque les termes «juste et acceptable» pour les parties avec qui l’Espagne a toujours défini les conditions d’un règlement satisfaisant», lit-on sur l’éditorial signé par Aznar moins de vingt-quatre heures après l’annonce de la nouvelle. «Le basculement est évident, il n’est pas dissimulé !» s’étonne Aznar. «Le gouvernement s’aligne sans nuances sur la position marocaine, accepte ses revendications et, en liant cette nouvelle position espagnole à la garantie de l’intégrité territoriale du Maroc, des interprétations compliquées ne sont pas nécessaires pour conclure que Sanchez attribue la souveraineté sur le Sahara au Maroc», li-t-on encore sur la lettre du FAES.

«Ce gouvernement a enterré les résolutions de l’ONU»

Ensuite, dans un assaut typique de ce qu’on pourrait définir comme une guerre culturelle, Aznar accuse le gouvernement de faire une chose et son contraire. «Ce gouvernement, dont des partis sont allés en pèlerinage à Tindouf pour prendre des photos avec les Sahraouis, enterre- avec ce revirement- les résolutions de l’ONU et ses missions sur le territoire avec…» s’alarme l’ancien chef du gouvernement espagnol.

Néanmoins, si Aznar s’attaque au gouvernement dans son ensemble, il convient de souligner, que ce n’est pas tout l’exécutif qui soutient la position de Sanchez. En effet, comme rapporté par nos soins dans notre édition d’hier, les ministres du parti Podemos ont appris la nouvelle, comme nous tous par la presse, ce qui a provoqué une grande agitation au sein de la coalition gouvernementale. La vice-présidente Yolanda Diaz avait d’ailleurs écrit sur son compte Twitter quelques instants après l’annonce de rabat : «Je réaffirme mon attachement à la défense du peuple sahraoui et aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Toute solution au conflit doit passer par le dialogue et le respect de la volonté démocratique du peuple sahraoui. Je continuerai à travailler là-dessus ». Il est vrai que tout au long de cette législature, des membres de United We Can se sont rendus au Sahara pour revendiquer des positions contraires à celle récemment «inventée» par Pedro Sanchez.

«Sanchez ignore la responsabilité de notre pays en tant que puissance colonisatrice»

Aznar est allé plus loin en évoquant la responsabilité de l’Espagne en tant qu’ancienne puissance colonisatrice. «Sanchez méconnaît les responsabilités de notre pays en tant que puissance colonisatrice (…) Il refuse de participer activement à la recherche d’une solution». L’ancien président du PP a par la suite fait part de ses craintes quant aux conséquences d’une telle décision sur la sécurité énergétique de l’Espagne. «Maintenant que l’Europe, plus particulièrement l’Espagne, travaille sur un plan pour ne plus dépendre du gaz russe, la décision de Sanchez va agiter l’Algérie, un des producteurs alternatifs les plus fiables de la région».

«Attention, ça va agiter Alger !»

Pour Aznar, la manœuvre de Sanchez ne peut être qualifiée que de «défaite politique et diplomatique de grande ampleur» et la considère comme «née de la volonté de Moncloa de rétablir de bonnes relations avec le Maroc». «Il est faux et naïf de penser que cette décision du gouvernement espagnol va permettre une sortie de crise qui dure depuis mois avec l’entrée illégale et massive de citoyens marocains à Melilla. La seule vérité dans tout ça, c’est que Sanchez a accepté la stratégie de pression illégitime exercée par Rabat », réitère-t-il.

«Sanchez vient de signer les aveux de vulnérabilité de l’Espagne. Le Maroc pourra dès lors réclamer Ceuta et Melilla»

Pour conclure, José Maria Aznara terminé par écorcher l’actuel chef du gouvernement espagnol qu’il accuse de réduire l’Espagne à quelque chose qu’elle n’est pas. «Si ce retournement est une concession nécessaire au Maroc pour contenir la pression migratoire, ceci est révélateur d’une vulnérabilité du gouvernement que l’Espagne ne mérite pas», constate-t-il. Ironiquement, Aznar reconnaît la «dextérité de la gauche pour justifier tout gâchis politique et tout renoncement moral à ce qu’elle proclame elle-même comme ses principes». «Au moins, on peut leur reconnaitre qu’ils n’essaient pas de vendre l’excuse qu’en souscrivant aux revendications du Maroc sur le Sahara, ils garantiraient l’avenir de Ceuta et Melilla», se moque Aznar qui finit par cette interrogation : «Si le Sahara est reconnu par l’Espagne comme partie intégrante du Maroc, pourquoi notre voisin devrait-il renoncer à ses prétentions sur les deux villes autonomes ?»

Y. C.